Reportage "Le téléphone, c'est vraiment un doudou pour eux" : un lycée du Gard teste avec succès des "journées sans portable"

Pour contrer les "dégâts" du téléphone sur certains élèves, le lycée Lucie-Aubrac de Sommières a expérimenté trois journées depuis la rentrée et constate déjà des effets positifs.
Article rédigé par Mathilde Vinceneux
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Dans le Gard, le lycée Lucie Aubrac de Sommières expérimente des journées sans portable. (NICOLAS GUYONNET / HANS LUCAS via AFP)

Faut-il obliger les élèves à déposer leurs portables à l’entrée des établissements scolaires ? La ministre de l’éducation nationale Nicole Belloubet a déjà plaidé pour une "pause numérique" dans les collèges, en dénonçant l’impact "dramatique" des réseaux sociaux sur les jeunes. Dans le Gard, le lycée Lucie-Aubrac de Sommières expérimente déjà des journées sans portable pour les 650 élèves de l’établissement, avec trois journées organisées depuis le début de l’année. Des "parenthèses déconnectées" qui finissent par séduire les élèves.

Problèmes de concentration

Dès la première sonnerie, les élèves du lycée déposent un par un leur portable à l’entrée de leur salle de cours. "Je suis en train de récupérer les portables avec des enveloppes nominatives", explique Cécile Abenoza, professeure de SVT. Elle range les enveloppes dans une boîte qui est ensuite conservée dans une salle fermée, à la vie scolaire. Certains élèves grimacent. Inès et Chloé, 16 ans,  ont peur de s’ennuyer. "Quand on a des heures de trou, si on est seules, c'est embêtant", confient-elles.

La CPE Valérie Montagnon s’assure pour sa part que personne ne cache de portable. "On leur dit justement que c'est pour eux. Le téléphone, c'est vraiment un doudou pour eux, c'est vraiment une addiction", assure-t-elle. C’est un problème de santé publique insiste David Cayuela, professeur de lettres depuis 25 ans. C’est lui qui a proposé ces journées sans portables. Les élèves "se bombardent le cerveau" de vidéos TikTok, dit-il et cela laisse des séquelles.

"J'ai commencé à voir il y a une dizaine d'années une baisse assez évidente de l'attention. Les élèves ont été abîmés dans leur façon de se concentrer."

David Cayuela, professeur de lettres

à franceinfo

"Je l'ai vu chez de bons élèves qui posaient des questions et alors même qu'on répondait, au bout d'une seconde ou deux, ils ne regardaient même plus le prof. Donc c'est d'abord un problème de concentration qui ensuite donne lieu à une difficulté à lire, qui ensuite entraîne une crise du langage", témoigne le professeur.  

Jeux de société, sport et sourires

"On a commencé à se rendre compte que les élèves avaient de réelles difficultés à prendre la parole en classe", abonde Marie-Angèle Ligary, proviseur du lycée. Pour inciter les élèves à davantage communiquer, des jeux de société et du matériel de sport, sont désormais à disposition. "J'ai la chance d'avoir le bureau qui surplombe et je vois des sourires, ce que je ne voyais pas avant parce qu'ils étaient sur leurs portables et ne se regardaient pas. Certains disent que ça leur repose l'esprit", assure la proviseure.

Bénédict, 18 ans, dit s'être habitué à ne plus avoir son portable. "Être constamment sur les réseaux ce n'est pas bon pour la santé mentale", juge-t-il, comme Fanny 16 ans. "Moi je le vis bien, juste j'ai oublié de mettre ma montre", raconte-t-elle. Lucas et Kylian, eux, se sont mis au ping-pong. "Quand on n'a pas de téléphone on peut être tous ensemble, plusieurs lycées devraient faire ça", estiment-ils. L'établissement ambitionne de devenir progressivement le premier lycée de France sans portables.

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