Éducation : les parents doivent "sortir du contrôle du temps passé sur les écrans pour s'intéresser" à ce que leurs enfants regardent
Les parents doivent "s’intéresser plutôt à ce qui se passe à l'intérieur des écrans plutôt qu'être des simples régulateurs du temps passé", estime mardi 8 octobre sur franceinfo Thomas Rohmer, directeur et fondateur de l’Observatoire de la Parentalité et de l'Éducation Numérique qui publie une étude, réalisée par Ipsos média, sur le temps que les enfants passent sur les écrans. Selon cette étude, les écrans occupent une place de plus en plus importante dans la vie des enfants âgés de 7 à 17 ans.
"Globalement, les adultes ont envie de s'emparer du sujet et s'y intéressent. Pour autant, la difficulté demeure la même, à savoir mettre en place des règles", explique Thomas Rohmer. 53% des parents ne se sentent pas suffisamment accompagnés dans l'éducation numérique de leurs enfants, contre 46% en 2021. Ils sont 74% à estimer que l'enfant passe "trop de temps" sur les écrans contre 79% en 2021. Alors que l'OMS alerte sur les dangers des écrans pour les jeunes enfants, Thomas Rohmer incite les parents à "sortir un peu de cette logique de contrôle du temps passé". "Intéressez-vous à ce que font vos enfants" sur les écrans, il faut "passer du temps" avec eux sur les outils numériques, conseille-t-il.
franceinfo : Que dit votre nouvelle étude ?
Thomas Rohmer : On est dans la continuité de ce qu'on constatait en 2021, c'est-à-dire une difficulté quand même globale des adultes à apprécier la réalité du temps passé. Même s'il est vrai que le temps passé n'est pas forcément la donnée la plus intéressante d'un point de vue éducatif. C’est ce qui nous incite à dire aux parents de s'intéresser plutôt à ce qui se passe à l'intérieur des écrans plutôt qu'être des simples régulateurs du temps passé.
Les parents ne savent pas assez ce que font leurs enfants sur les écrans ?
On est dans une grosse contradiction. On équipe les enfants de plus en plus tôt. On y voit qu'ils y passent un temps conséquent, mais derrière, on voit clairement également un manque d'intérêt des adultes pour ce qui s'y passe, ce qui peut induire des prises de risque chez les jeunes. Ça ne facilite pas non plus la mise en place d'un cadre éducatif qui soit cohérent.
À partir de quel âge les enfants ont leur premier portable ?
On retombe un peu sur les chiffres d'avant, à savoir un rituel de passage lors de l'arrivée au collège. Ce qui est assez intéressant aussi, c'est de questionner les critères de motivation des adultes. On voit bien qu'on a face à nous des adultes pour lesquels les outils numériques sont aussi des outils de réassurance. Dans cette société un petit peu anxiogène dans laquelle nous vivons, ce qu'ils nous racontent le plus souvent en groupe de parole, c'est : on a besoin de joindre notre enfant 24h sur 24, sept jours sur sept.
Est-ce qu'il y a tout de même un début de prise de conscience chez certains parents ?
Globalement, les adultes ont envie de s'emparer du sujet et s'y intéressent. Pour autant, la difficulté demeure la même, à savoir la difficulté à mettre en place des règles. Mais ce n'est pas qu'au sein des familles. On voit bien aussi qu'au niveau des politiques publiques, on est au cœur de pas mal de contradictions.
"On vient d'instaurer des pauses numériques dans les établissements scolaires, mais en même temps, tous les élèves de sixième ont passé des évaluations nationales sur ordinateur. Ces contradictions, on les retrouve un peu partout dans la société."
Thomas Rohmer, directeur et fondateur de l’Observatoire de la Parentalité et de l'Éducation Numériqueà franceinfo
Tous les parents ont déjà vécu cette situation de recevoir des alertes sur les plateformes proposées par l'Éducation nationale. Sans nier l'importance et l'intérêt de ces outils, on voit bien qu'on a besoin de retrouver un peu une cohérence au niveau sociétal avant de stigmatiser soit les pratiques des jeunes, soit de diaboliser les outils. Il faut avant tout remettre, peut-être, un peu de cohérence éducative et sociétale, parce qu'on voit bien que ça fait 20 ans qu'on parle de ces sujets et que ça n'avance pas forcément de la meilleure des manières.
Peut-on faire aujourd’hui le lien entre le mal-être des enfants et l’utilisation des réseaux sociaux ?
Ce sont des sujets qui cristallisent beaucoup de polémiques et on voit bien que la recherche scientifique ne va pas aussi rapidement qu'on le souhaiterait. Pour autant, il y a un certain nombre d'études récentes, notamment de l'OMS, qui viennent pointer du doigt la responsabilité des réseaux sociaux sur une forme de mal-être. D'où l'intérêt pour les adultes à s'emparer du sujet, en faire un véritable enjeu éducatif autour d'une hygiène de vie quotidienne, comme on le fait pour tout un tas d'autres sujets du quotidien.
Quels conseils donneriez-vous à des parents ?
Le conseil qu'on donne, c'est d'essayer de sortir un peu de cette logique de contrôle du temps passé. Au contraire, comme le montrent aussi certaines études scientifiques, l'intérêt, c'est de passer du temps aussi avec ses enfants et de s'intéresser à ce qu'ils font avec les outils, à ce qu'ils regardent, pour pouvoir également, lorsqu'ils sont tout-petits, mettre des mots sur ce qu'ils ont vu et déconstruire les images. C’est un enjeu du quotidien. On avait sorti une étude qui montrait justement que l'utilisation des séries télé ou des dessins animés en famille peut permettre justement d'aborder certains sujets compliqués ou tout simplement de passer un bon moment ensemble. C’est vraiment l'un des messages phares qu'on essaie de passer aux parents partout en France. Intéressez-vous à ce que font vos enfants. Ce qui n'empêche pas de mettre un cadre et des limites quand c'est nécessaire.
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