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Infographie Fin de vie : à quoi pourrait ressembler le parcours d'accès à "l'aide active à mourir" imaginé par la convention citoyenne ?

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
Les membres de la convention citoyenne participent à une session de vote, le 5 mars 2023, au Conseil économique, social et environnemental, à Paris. (KATRIN BAUMANN / CESE)
Les citoyens tirés au sort pour réfléchir à la fin de vie se sont prononcés pour le suicide assisté ou l'euthanasie. A condition, notamment, de s'inscrire dans un processus formalisé et contrôlé.

C'est une première ébauche d'un modèle "à la française". Les membres de la convention citoyenne sur la fin de vie ont voté, dimanche 19 mars, une série de propositions esquissant ce que pourrait être le parcours d'accès à "l'aide active à mourir" (AAM) en France, si le Parlement donnait son feu vert à l'euthanasie ou au suicide assisté. Favorables à 71% à une telle autorisation sous conditions, les "conventionnels" ont dessiné un parcours strictement encadré, soumis à une procédure collégiale et supervisé par une commission de contrôle.

Ces 184 citoyens, tirés au sort à l'automne et réunis régulièrement depuis décembre, souhaitent limiter le risque de dérives et, surtout, s'assurer que chaque personne éligible au dispositif puisse bénéficier de l'ensemble des soins possibles avant l'examen de la demande d'AAM. A leurs yeux, cette issue ne peut être qu'une solution de "dernier recours". La priorité absolue doit être d'améliorer l'accompagnement de la fin de vie, notamment par le développement des soins palliatifs, alors que de nombreuses carences existent actuellement.

Pour franceinfo, cinq citoyens présentent les étapes envisagées dans ce parcours d'euthanasie ou de suicide assisté. Il n'y est pas question du public qui pourrait en bénéficier, ce point particulièrement sensible devant encore faire l'objet de votes à la convention, fin mars.

Visualisation simplifiée du parcours d'aide active à mourir proposé par les membres de la convention citoyenne sur la fin de vie. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)

Etape 1 : la pré-demande

Une personne désireuse de bénéficier d'une aide active à mourir doit effectuer une première demande auprès d'un professionnel de santé, quel qu'il soit (médecin, infirmier, aide-soignant, kiné, pharmacien...). Seul le patient peut être à l'initiative de la demande, à une exception près : "En cas d'inconscience ou d'incapacité à s'exprimer." Dans ce cas, la demande peut émaner de la personne de confiance désignée par le patient ou de l'examen de ses directives anticipées, dans lesquelles il aurait exprimé son souhait de bénéficier d'une AAM.

La pré-demande marque le déclenchement d'une procédure d'accompagnement du patient tout au long du parcours, qui "doit comporter un ou plusieurs rendez-vous médicaux ainsi qu'un suivi psychologique", selon les propositions approuvées par les citoyens. Ces rendez-vous visent notamment à s'assurer que "toutes les options ont été testées et ont échoué" avant d'en arriver à ce souhait d'AAM. "On ne peut pas obliger des gens à suivre des thérapies ou à bénéficier de soins palliatifs", explique Anton, ouvrier de 22 ans dans les Yvelines et membre de la convention citoyenne. Selon lui, "l'idée est que personne ne se dise : 'Je n'ai pas accès à certains soins près de chez moi, donc autant en finir.'" 

Etape 2 : la demande officielle

La demande doit être répétée et formalisée devant un médecin, qu'il s'agisse d'un généraliste ou d'un autre praticien, en cabinet ou à l'hôpital. Lors de son parcours, le patient doit être "informé des étapes du processus" et "des conséquences de sa décision". La moitié des membres de la convention souhaite également que le patient soit "informé de la primauté du suicide assisté sur l'euthanasie".

Cette proposition vise à "ne pas faire peser sur les soignants" la responsabilité de l'acte létal, détaille Françoise, une ancienne aide-soignante bordelaise de 58 ans, dont "la foi chrétienne s'oppose à donner la mort". Sur cette même ligne, Jérôme, technicien de recherche dans l'enseignement secondaire à Bressuire (Deux-Sèvres), suggère que l'euthanasie soit réservée aux personnes se trouvant "dans l'incapacité" de pratiquer le geste mortel, par exemple en cas de coma profond.

Etape 3 : l'évaluation du discernement

Pour vérifier que le demandeur comprend pleinement le parcours dans lequel il est engagé et la portée de sa demande, une évaluation de son discernement doit être réalisée avant qu'il ne soit trop tard. Les propositions votées par les membres de la convention citoyenne précisent que cette évaluation "peut notamment reposer sur l'avis de la famille et des accompagnants", mais seulement de manière "facultative".

"Globalement, nous sommes contre le fait que la famille s'immisce dans le choix du patient, qui lui appartient", défend Fatna, 61 ans, responsable formation dans une grande entreprise à Pau (Pyrénées-Atlantiques). Les proches ne doivent être impliqués dans le parcours "que sur demande du patient", estiment les citoyens, qui proposent toutefois "un accompagnement psychologique" à destination des proches et du corps médical.

Etape 4 : la demande réitérée

Pour garantir sa solidité, la demande officielle d'AAM formulée devant un médecin "doit être réitérée après un délai de réflexion", défendent majoritairement les membres de la convention citoyenne, qui n'ont pas souhaité fixer de délai précis. "Il faudrait que ce ne soit pas trop long, pour qu'une personne en fin de vie soit toujours en état physique et intellectuel de réitérer sa demande", avance Louise, 87 ans, directrice de recherche émérite en biologie à Paris.

"On pourrait imaginer une modularité du délai en fonction du profil du patient, avec une période de réflexion plus courte si le pronostic vital est engagé", suggère Anton. Un point, en revanche, fait consensus : à tout moment du parcours, et jusqu'au dernier instant, le patient est libre de changer d'avis et de renoncer à sa demande d'AAM.

Etape 5 : la procédure collégiale

Après les candidatures répétées intervient un jury. Une "procédure collégiale et pluridisciplinaire", composée de soignants et éventuellement de personnalités extérieures, doit être mise en place pour "valider la conformité de la demande et acter ainsi la décision finale" d'accorder ou de refuser une AAM. Cette validation "repose sur le respect d'un certain nombre de critères", que les membres de la convention citoyenne doivent encore définir lors de leur dernière session de travail, du 31 mars au 2 avril. A titre personnel, Jérôme, 44 ans, défend une AAM réservée aux personnes dont le pronostic vital est engagé, atteintes d'une maladie incurable et de douleurs physiques qu'on ne parvient pas à soulager. En cas de rejet de la demande, un appel pourrait être envisagé, même si la question n'a pas été soumise au vote des citoyens.

En plus de cette procédure collégiale, une commission de contrôle indépendante doit "vérifier le respect de la procédure" tout au long du parcours et "assurer la traçabilité des actes". Elle doit également se réunir après l'acte d'AAM pour s'assurer qu'aucun écart n'a été commis. "Lorsqu'il y a atteinte à la vie, on peut imaginer toutes les dérives", prévient Louise, d'où l'exigence exprimée au sein de la convention citoyenne de "contrôler à chaque étape, même si cela peut peut-être légèrement retarder le processus".

Etape 6 : l'aide active à mourir

Si le patient voit sa demande d'AAM validée, et s'il le souhaite toujours, il peut en bénéficier dans le lieu de son choix, à l'hôpital, en Ehpad ou à domicile. Il peut être entouré de ses proches et doit nécessairement faire appel à un professionnel de santé, présent pour administrer la substance létale (en cas d'euthanasie) et pour réagir en cas d'incident. Pas question, donc, contrairement à la Suisse par exemple, de laisser le patient accomplir un geste de suicide assisté sans qu'il soit supervisé par un soignant.

Un soignant qui refuse de participer à un tel acte peut faire valoir une clause de conscience. Dans ce cas, lui ou son établissement sont tenus d'orienter le patient vers un autre professionnel. Une "liste de professionnels volontaires" pourrait même être transmise au demandeur, mais cette proposition fait débat. "Pour moi, c'est au médecin de diriger son patient vers un autre médecin, et pas au patient ou à ses proches de se retrouver avec une liste, et la charge de quémander auprès de professionnels pour que l'un d'eux accepte", défend Fatna. "On veut que cela se fasse le plus humainement possible."

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