Décès de Vincent Lambert : "la parole est la clé" pour éviter des batailles juridiques, assure une psychologue
Marie de Hennezel, psychologue et spécialiste des questions de fin de vie, regrette le "gâchis" qui a abouti à la division des proches de Vincent Lambert en deux camps et estime qu'il faut aborder "la mort plus tôt, dans les familles".
Après onze ans passés dans un état végétatif, Vincent Lambert est mort jeudi 11 juillet, peu avant 8h30. Son maintien en vie a longtemps divisé son entourage qui s'est affronté juridiquement pendant de nombreuses années. Quelques heures après sa mort, il continue de diviser l'opinion.
Les avocats de ses parents ont parlé de "crime d'État". La psychologue et psychothérapeute Marie de Hennezel, spécialiste des questions de fin de vie, était invitée sur franceinfo ce jeudi. Elle explique que pour éviter ces batailles juridiques, "c'est la parole qui est la clé".
Franceinfo : Sa mort ne suffit pas à rassembler tout le monde, c'était inéluctable ?
Marie de Hennezel : Il y aurait eu une autre solution. Après que l'ONU a demandé à ce qu'on suspende les décisions pour aller plus à fond dans le dossier, à ce moment-là, on aurait pu transférer Vincent Lambert dans un des services dédiés aux personnes handicapées comme lui. Il y a 1 700 autres patients dans son état. La décision qui a été prise et ce qui vient de se passer, affecte toutes les familles de cérébrolésés. Il y a eu une confusion car Vincent Lambert n'était pas en fin de vie. S'il avait été placé dans un autre service, les choses auraient été très différentes, la famille aurait été mieux accompagnée, on aurait pu faire un travail au niveau des parents pour le laisser partir. Avec quelle arrogance peut-on affirmer qu'il n'avait pas conscience d'exister ? Nous savons bien que dans le domaine de ces états végétatifs chroniques, on sait très peu de choses sur la conscience. Il y a des liens inconscients comme dans les rêves. Il y a des liens entre lui, sa femme, ses parents. On aurait pu faire un travail dans un autre service, cela n'a pas été fait et c'est un beau gâchis.
C'est une décision qui divise forcément les proches ?
Pas si on abordait la mort plus tôt dans les familles, de la manière dont on aimerait mourir, si on désignait une personne de confiance. J'ai désigné une personne de confiance, ce n'est pas mon conjoint, ce n'est pas un enfant. C'est une personne que j'ai choisie, qui connaît ma façon de penser. Les directives ne sont pas une solution, des gens ne veulent pas les écrire et on ne peut pas les forcer à les écrire. Mais on peut rendre obligatoire la désignation d'une personne de confiance. Si Vincent Lambert en avait désigné une, elle aurait eu la légitimité de dire ce que pensait Vincent Lambert avant son accident.
Mais cet échange a lieu à un moment donné, la pensée peut évoluer ?
Oui, c'est pour cela que la désignation d'une personne de confiance est bien plus souple que la directive parce qu'on peut évoluer. Une personne de confiance, un ami, un médecin, c'est quelqu'un en qui on a confiance et à qui on peut faire part de l'évolution de sa pensée. Bien sûr, on peut changer d'avis. C'est la parole qui est la clé. Il y a eu beaucoup de confrontation d'egos dans toute cette histoire, à tous les niveaux. Au niveau médical et familial, on ne s'est pas vraiment parlé.
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