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Quatre chiffres à retenir du rapport qui pointe des failles dans le traitement des violences conjugales

La Chancellerie a rendu public dimanche son rapport sur les homicides conjugaux. Selon la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, la "chaîne pénale n'est pas satisfaisante".

Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des femmes marchent pour dénoncer les féminicides, à Paris le 5 octobre 2019. (JULIE SEBADELHA / HANS LUCAS / AFP)

"Très clairement, ça ne va pas. La chaîne pénale n'est pas satisfaisante." La ministre de la Justice a rendu public, dimanche 17 novembre, le rapport sur les homicides conjugaux (document PDF). Confiée en juin dernier à l'Inspection générale de la justice, la mission fait un état des lieux après l'examen de 88 dossiers d'homicides conjugaux et de tentatives d'homicides commis en 2015 et 2016 et définitivement jugés, afin d'identifier d'éventuelles failles.

"Ce rapport, comme je l'avais demandé, met le doigt sur les difficultés et les dysfonctionnements", alerte Nicole Belloubet dans une interview au JDD (article payant). Si le rapport détaille certaines améliorations, comme l'ouverture rapide d'une enquête, il pointe surtout de nombreuses lacunes. Voici quatre chiffres qui permettent de les comprendre.

Dans 65% des cas où des violences existaient avant le meurtre, la police avait été informée

Sur les 88 cas étudiés par le ministère, 83% des victimes sont des femmes. Sur 76 dossiers retenus*, il apparaît que "près des deux tiers des victimes avaient subi des violences conjugales antérieurement à l'homicide", note le rapport. Soit près de 48 cas, parmi lesquels 17 situations où les violences antérieures n'avaient jamais été dénoncées alors qu'elles étaient connues de l'entourage de la victime.

"Cette carence témoigne des difficultés, pour les proches, à prendre et à assumer la responsabilité du signalement, en l'absence de volonté de la victime de porter plainte. Or, cette absence de dénonciation ou de signalement a empêché la mise en place de mesures susceptibles de prévenir l'homicide ultérieur", déplore le document. Toutefois, dans 65% de ces cas où des violences étaient présentes avant le meurtre (soit 31 victimes), celles-ci avaient déjà été dénoncées aux forces de l'ordre.

* La mission a relevé que sept femmes auteures d'homicide conjugal sur 13 déclarent avoir été victimes de violences conjugales de la part de leur partenaire préalablement à leur crime. La mission a fait le choix de ne retenir qu'un dossier de femme auteure sur les 13 dans la mesure où il était le seul à présenter des violences conjugales sur l'homme victime.

 

Seules 18% des mains courantes aboutissent à une enquête 

Quand la victime a déjà subi des violences conjugales par le passé et que ces dernières ont été signalées aux forces de l'ordre, le rapport indique que les mains courantes et les procès-verbaux de renseignements judiciaires (PVRJ, l'équivalent côté gendarmerie) débouchent rarement sur des investigations. "Sur les 40 mains courantes et PVRJ déposés par les victimes de l'étude, la mission relève que sept [saisies] (18%) ont donné lieu à investigation de la part des services enquêteurs (inscription de l'auteur au fichier des personnes recherchées, vérification des antécédents, raccompagnement de la victime au domicile), les autres n'ayant fait l'objet d'aucun traitement selon les pièces des dossiers étudiés", indique le rapport.

L'étude regrette le recours majoritaire aux mains courantes pour "recueillir les déclarations des victimes de violences conjugales", sans transmission au parquet. Cela entraîne, d'après le rapport, "un déficit d'information, une absence de vision globale du danger encouru par la victime et plus généralement entrave toute politique pénale spécifique".

80% des plaintes sont classées sans suite

Lorsque l'affaire est bien transmise au parquet, le rapport pointe là encore des manques. "Les investigations insuffisamment approfondies empêchent de donner une réponse pénale efficiente", souligne-t-il. Ce dernier indique que 80% des 21 plaintes relevées ont été classées sans suite par le parquet, "dont six pour infraction insuffisamment caractérisée, deux suite au désistement du plaignant, une pour orientation vers une structure sanitaire et sociale"

Le rapport cite ainsi l'exemple de "la plainte pour viol d'une victime (…) classée sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée, sans audition du mis en cause, dans un dossier où la victime avait déposé antérieurement six mains courantes, [où] l'auteur était doublement récidiviste pour des faits de violences conjugales et était suivi par le service pénitentiaire d'insertion et de probation tandis que la famille était suivie par l'aide sociale à l'enfance".

 

15% des auteurs sont récidivistes

"Le poids de la réitération des faits de violences est prégnant dans les dossiers étudiés", déplore le rapport. Parmi les auteurs d'homicides conjugaux étudiés par l'Inspection générale de la justice, 15% avaient déjà été condamnés pour violences conjugales, "dont 77% pour des faits commis sur la même victime". "Dans un cas sur deux, l'auteur a récidivé dans les trois ans de la condamnation antérieure sous la forme d'un homicide ou d'une tentative d'homicide sur la même victime."


Les femmes victimes de violences peuvent contacter le 3919, un numéro de téléphone gratuit et anonyme. Cette plateforme d'écoute, d'information et d'orientation est accessible de 9 heures à 22 heures du lundi au vendredi et de 9 heures à 18 heures les samedis, dimanches et jours fériés.

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