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Affaire Olivier Duhamel : Élisabeth Guigou était dans une "position difficile", relève la présidente de l’association Face à l’Inceste

L'ancienne ministre a démissionné de la Commission sur l'inceste qu'elle présidait en raison de sa proximité avec le politologue, accusé par sa belle-fille Camille Kouchner d'abus sexuels sur son frère lorsqu'il était adolescent.

Article rédigé par franceinfo
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Elisabeth Guigou. (FRED DUFOUR / AFP)

Isabelle Aubry, présidente de l’association Face à l’Inceste et auteure de L’inceste, 36 questions-réponses incontournables, publié chez Dunod en 2017, a déclaré jeudi 14 janvier sur franceinfo comprendre qu'Élisabeth Guigou "soit dans une position difficile vis-à-vis des différents acteurs de la protection de l'enfance pour mener sereinement ces travaux". L'ancienne ministre socialiste qui présidait la Commission indépendante sur l'inceste mise en place il y a tout juste un mois a démissionné de son poste. Elle a été pendant des années une proche d'Olivier Duhamel. Le politologue est accusé dans un livre signé par sa belle-fille Camille Kouchner d'avoir abusé de son frère lorsqu'il était adolescent.

Élisabeth Guigou affirme qu'elle n'était pas au courant de ces agissements Comprenez-vous sa décision ?

Isabelle Aubry : Oui, c'est possible qu'elle n'ait pas été au courant. En tant que présidente d'une commission sur l'inceste et les violences et la pédocriminalité, je comprends qu'elle soit dans une position difficile vis-à-vis des différents acteurs de la protection de l'enfance pour mener sereinement ces travaux. C'est compliqué, d'autant qu'une enquête vient d'être ouverte. Il est peut-être possible aussi qu'elle soit entendue comme témoin. C'est effectivement compliqué.

Un sondage que vous aviez publié il y a quelques mois disait qu'un Français sur dix aujourd'hui dit avoir été victime d'inceste. On a l'impression qu'on découvre le phénomène ?

Oui, c'est assez étonnant. On se bat depuis vingt ans pour démontrer les mécanismes de l'inceste et pour faire comprendre au législateur en quoi il est important de le qualifier comme un crime spécifique. On voit très bien, avec la description de Camille Kouchner, en quoi l'inceste est un crime différent puisqu’il implique toute la famille, c'est d'abord un crime de lien. Quand l'inceste est commis, comme elle le dit fort bien, c'est pour la vie. C'est pour la vie pour l'agresseur, mais c'est pour la vie aussi pour la victime, mais aussi pour ses proches. Et on oublie souvent les proches. Camille Kouchner est une proche et les proches peuvent aussi souffrir de l'inceste.

La prescription des crimes sexuels sur les mineurs a été portée à 30 ans, après l'âge de la majorité des victimes. Faut-il aller plus loin ?

Il aurait fallu tout de suite voter l'imprescriptibilité comme c'est le cas dans de nombreux pays, tous les pays du Commonwealth, par exemple au Canada et dans certains États américains. Dans ces pays-là, les crimes les plus graves sont imprescriptibles. Certains agresseurs ont une "carrière" d'agresseurs et ils ne font pas qu'une victime. Je me souviens d'un membre de notre association, qui était la seule personne non prescrite de sa famille, et il avait à ses côtés 17 témoins victimes au sein de sa propre famille. Et cela aurait pu continuer sur d'autres générations. Le but de pouvoir poursuivre les agresseurs toute leur vie, c'est avant tout de protéger les enfants. C'est cette position-là que nous devons adopter. Après, il ne faut pas oublier non plus quand on parle de preuves que, selon notre enquête Ipsos de 2010, 45% des agresseurs avouent les faits.

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