Plaintes pour "viol" contre Tariq Ramadan : l'affaire en cinq actes
Le théologien suisse est visé par une enquête à Paris pour "viol, agression sexuelle, violences et menaces de mort" et fait l'objet de plaintes de deux femmes. Il est aussi accusé d'avoir eu des relations sexuelles avec des mineures en Suisse.
L'islamologue controversé est dans la tourmente. Visé par deux plaintes pour "viol", le théologien suisse Tariq Ramadan a dénoncé, samedi 28 octobre, au soir une "campagne de calomnie". L'affaire se poursuit le samedi 5 novembre, avec les temoignages de plusieurs femmes recueillies par la Tribune de Genève. Elles disent avoir eu des relations sexuelles avec celui qui est alors leur professeur et alors qu'elles sont mineures. Qu'est-il exactement reproché à cette figure de l'islam francophone, très populaire dans les milieux conservateurs ? Comment se défend-il ? Franceinfo récapitule l'affaire en cinq actes.
Acte 1 : une ancienne salafiste dépose plainte
Tout commence le 24 octobre, avec l'ouverture d'une enquête à Paris, alors qu'une plainte a été déposée quelques jours plus tôt pour "viol, agression sexuelle, violences et menaces de mort" à l'encontre de l'islamologue. La plaignante est Henda Ayari, une ancienne salafiste devenue militante féministe et laïque. Agée de 40 ans, elle a entamé une procédure judiciaire après avoir accusé Tariq Ramadan sur sa page Facebook.
Les faits ont déjà été narrés dans un livre paru en 2016. Henda Ayari explique au Parisien avoir pris contact avec Tariq Ramadan en 2010 afin de recueillir des conseils religieux dans le cadre de sa séparation avec son mari. Après plusieurs échanges électroniques et sur la messagerie Skype, Henda Ayari raconte avoir rencontré le théologien dans un hôtel parisien en mars 2012 et avoir été invitée dans sa chambre.
Au micro de franceinfo, elle raconte avoir ensuite été violée. "Il s'est jeté sur moi d'une façon très violente et ça a été très traumatisant. Je me suis sentie en danger de mort. (...) A un moment, il m'a étranglée, il m'a coupé la respiration. J'étais persuadée qu'il me tuerait ce soir-là", a-t-elle témoigné.
Acte 2 : une deuxième plainte déposée
Trois jours après l'ouverture de cette première enquête, une deuxième plainte pour "viol" est déposée jeudi à Paris contre Tariq Ramadan. L'accusatrice, convertie à l'islam et qui souhaite rester anonyme, est âgée d'une quarantaine d'années et souffre d'un handicap aux jambes.
Les faits remontent cette fois à l'automne 2009 et se seraient déroulés dans une chambre d'un hôtel de Lyon, selon le même mode opératoire employé dans le cas de Henda Ayari, a précisé à franceinfo l'avocat Eric Morain, qui défend les deux plaignantes.
Le Monde livre le récit glaçant de la plaignante aux autorités. Elle raconte qu'une fois invitée dans la chambre du théologien, celui-ci l'aurait frappée au visage et sur le corps, avant de la forcer à effectuer une fellation et de la sodomiser. Il l'aurait ensuite violé une nouvelle fois à l'aide d'un objet. "Plus je hurlais et plus il tapait (...). Il m'a traînée par les cheveux dans toute la chambre pour m'amener dans la baignoire de la salle de bain pour m'uriner dessus", a-t-elle raconté à la police, en fournissant des certificats médicaux pour appuyer ses dires.
Acte 3 : Tariq Ramadan se défend
Après plusieurs jours de silence, Tariq Ramadan a finalement réagi. Dans un message publié samedi sur sa page Facebook, il a dénoncé une "campagne de calomnie" enclenchée par ses "ennemis de toujours". Alors que son avocat a annoncé avoir porté plainte pour "dénonciation calomnieuse" concernant les accusations de Henda Ayari, il y affirme qu'une "nouvelle plainte sera déposée dans les prochains jours puisque mes adversaires ont enclenché la machine à mensonges".
"Il est triste de voir nos adversaires réduits à soutenir l'imposture et la tromperie érigées en vertu", poursuit l'islamologue qui se dit à la disposition de la justice.
Le droit doit maintenant parler, mon avocat est en charge de ce dossier, nous nous attendons à un long et âpre combat. Je suis serein et déterminé.
Tariq Ramadansur Facebook
Acte 4 : vers de nouveaux témoignages
L'avocat des deux plaignantes, Eric Morain, a précisé avoir reçu d'autres témoignages de femmes qui réfléchissent à porter plainte à leur tour contre l'intellectuel pour des faits de "harcèlement" ou d'"agressions sexuelles".
Le Parisien ajoute également avoir été contacté il y a trois ans par une troisième femme qui envisageait le dépôt d'une plainte à l'encontre de Tariq Ramadan. Elle dénonce le "harcèlement et les menaces" dont elle aurait été victime.
Acte 5 : Tariq Ramadan accusé d'avoir eu des relations sexuelles avec des mineures en Suisse
Les faits se seraient déroulés dans les années 1980 et 1990. Dans une enquête de La Tribune de Genève publiée dimanche 5 novembre, quatre femmes racontent anonymement avoir été harcelées sexuellement et, pour certaines, avoir eu des relations sexuelles avec Tariq Ramadan, alors qu'elles étaient mineures et que ce dernier enseignait dans sa ville natale de Genève (Suisse), au Cycle des Coudriers puis au Collège de Saussure.
La plus jeune, âgée de 14 ans à l'époque des faits, dit avoir refusé d'avoir des relations sexuelles avec Tariq Ramadan. "Il a mis sa main sur ma cuisse en me disant qu'il savait que je pensais à lui le soir avant de m'endormir (…). C'était de la manipulation. Il disait qu'il pensait à moi mais qu'il était marié. J'étais mal, mais je ne pouvais rien dire. C'était mon prof", raconte-t-elle au quotidien suisse.
Deux des avocats de Tariq Ramadan, Julie Granier et Yassine Bouzrou, ont été contactés par Le Point et La Tribune de Genève pour réagir à ces nouvelles accusations, sans succès.
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