Plateforme d'écoute pour les victimes d'inceste : "Elles ont eu leur vie brisée, pourrie, et souhaitent que ça ne se reproduise pas pour d'autres"
Après une campagne de communication et un appel à témoins, la commission Inceste a lancé ce mardi une plateforme téléphonique pour recueillir la parole de victimes de violences sexuelles dans l'enfance. La ligne a reçu déjà de nombreux appels.
Les locaux de la plateforme d'écoute se trouvent au sein de l'association Collectif féministe contre le viol qui depuis plus de trente ans fait ce travail d'écoute. Au bout du fil, mardi 21 septembre, il s'agit de femmes pour la plupart. Les appels sont anonymes, seulement un prénom ou un pseudo et le numéro de département sont demandés. La ligne 0805 802 804 est ouverte entre 10 heures et 19 heures. Un autre numéro, le 0800 100 811, est adapté aux horaires de l'outre-mer. Élodie, écoutante et responsable de ce dispositif répond à l'une d'entre elles : "Là ce que vous m'expliquez, c'est qu'enfant, vous avez eu le courage de révéler ces violences et qu'il n'y a aucun adulte qui vous a protégé. Ce sont des complices."
De l'autre côté du combiné, il y a un besoin urgent de parler, d'être entendue, crue, reconnue comme victime. Certaines personnes témoignent pour la première fois après des années, des décénnies de silence. "La personne la plus jeune que j'ai eue avait une cinquantaine d'années", raconte Élodie. "C'était principalement des situations dans la famille : des agresseurs oncles, cousins, frères... Et également des agresseurs dans l'institution, en l'occurrence, une des victimes était placée comme pupille de l'État. Elles ont eu leur vie brisée, pourrie, et elles souhaitent que ça ne se reproduise pas pour d'autres."
Primordial d'écouter les enfants
Ces appels montrent aussi à quel point il est essentiel d'écouter les enfants, selon Emmanuelle Piet, la présidente du Collectif féministe contre le viol : "En ce moment, un enfant qui parle a 0,2% de chances de voir son agresseur condamné. Donc si cette campagne peut montrer que les enfants, il faut les entendre, il faut les croire. Ne pas avoir été entendu peut povoquer des dégats considérables. Parce que les violences perdurent quand on n'entend pas les enfants. J'ai entendu une personne qui disait avoir été victime de 5 à 11 ans alors qu'elle a parlé ! Eh bien de cinq à onze ans, elle a subi des viols trois fois par semaine. C'est dégueulasse !"
Si la personne qui appelle en a besoin, la commission l'accompagnera sur le plan psychologique et judiciaire, mais elle ne va pas se substituer aux dispositifs de protection de l'enfance. "La commission sera amenée à transférer aux autorités compétentes, et notamment à l'autorité judiciaire, les situations qui justifient un signalement. C'est son devoir comme instance publique", précise Edouard Durand juge pour enfants et co-président de la commission. Et il le rappelle, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France.
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