: Reportage "Mon agresseur m'a dit 'je ne t'ai pas violée donc tout le monde s'en fout'" : à Paris, une manifestation contre les violences sexuelles
"Gisèle, la meute c'est nous", "Stop au déni", "On est toutes Gisèle", pouvait-on lire sur les nombreuses pancartes. Lorène, 31 ans, est venue crier sa colère devant le palais de justice de Paris, parce que ces violences, elle les a vécues au travail. "La pire chose qu'on m'ait dite, vient de la bouche même de mon agresseur qui m'a dit 'je ne t'ai pas violée, donc tout le monde s'en fout'", relate-t-elle.
"La réponse aujourd'hui, c'est que même si on m'avait violée, tout le monde s'en foutrait quand même", dit-elle. Elle a été victime de harcèlement sexuel et d'emprise de la part de son supérieur. "C'est dans les associations que j'ai entendu des réactions et des paroles qui m'ont fait comprendre que ce n'était pas moi qui étais en tort", poursuit Lorène. "On m'a dit aussi 'tu fais ta petite victime'".
"Il y a aussi des entreprises dans lesquelles il y a une espèce de culture paternaliste où on a vite fait de verser dans le sexisme et les violences", décrit Lorène. "En fait, c'est un continuum. Je pense que quand on commence à ouvrir les yeux sur cette société et qu'on découvre à quel point elle est sexiste, il n'y a plus de retour en arrière".
Parmi la centaine de manifestants, Lorène n'est pas la seule victime présente. Aujourd'hui, Sabine, la soixantaine, a vécu des violences conjugales, mais à son époque, il n'était pas question de porter plainte. Elle estime qu'elle n'aurait pas été écoutée par la police et que c'est toujours dur aujourd'hui.
Le rassemblement a eu lieu à mi-parcours du procès des violeurs de Gisèle Pelicot. Entre 2011 et 2020, Dominique Pelicot, son mari, a fait venir au moins 50 hommes, jugés à ses côtés pour des faits de viols sur la victime endormie. Mélanie, 52 ans, estime qu'aujourd'hui, les victimes sont maltraitées par la justice. "L'affaire Pelicot montre bien à quel point notre société est ancrée dans la culture patriarcale parce qu'elle est incapable d'écouter une victime sans la diaboliser, regrette-t-elle.
"On cherche toujours à excuser. On dit toujours que ce n’est pas vraiment un viol, que ce n’est pas vraiment un violeur, que c'est un bon père et à la fin tous les violeurs sont libres".
Sabine, une manifestanteà franceinfo
Alors aujourd'hui, il faut mieux accompagner les victimes et lutter contre l'impunité des agresseurs, ont martelé les organisatrices du rassemblement devant cette assemblée majoritairement de femmes, mais pas uniquement. Marc (le prénom a été changé) est lui aussi venu exprimer sa colère : "Je suis particulièrement en colère contre celui que j'étais à une époque, parce que j'ai mis quasiment dix ans avant de faire le tri dans mes amis", dit-il.
"J'ai honte de ce que j'ai laissé passer, avoue Marc. Le silence est un choix. Si vous avez des doutes, si vous voyez quelque chose qui vous, vous gêne, posez des questions ! À l’époque, j'avais peur d'être intrusif, mais aujourd'hui, je préfère largement être intrusif qu'apprendre quelques années plus tard que j'étais à côté d'un violeur, que j'aurais pu éviter ça". Après quelques prises de parole, la manifestation s'est dispersée dans le calme. La plupart des manifestants l'ont déjà prévu, ils retourneront dans la rue le 23 novembre prochain.
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