Loi immigration : les associations saluent la censure par le Conseil constitutionnel mais maintiennent leur mobilisation

Le Conseil constitutionnel a largement censuré, jeudi, le projet de loi immigration. Une victoire en demi-teinte pour les associations de défense des droits des personnes exilées.
Article rédigé par Camille Laurent
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des ONG et des associations de défense des droits des personnes exilées réunies à proximité du Conseil constitutionnel à Paris, alors que les Sages ont largement censuré le projet de loi immigration, le 25 janvier 2024. (ALAIN JOCARD / AFP)

C'était une décision très attendue. Le Conseil constitutionnel censure largement le projet de loi immigration. En tout, 35 articles sur 86 sont totalement ou partiellement écartés par les Sages. Il s'agit pour la plupart des articles introduits par les sénateurs qui avaient durci le texte quand ils l'avaient examiné. Cette décision du Conseil constitutionnel est une forme de victoire pour les associations de défense des droits des migrants, qui disent rester mobilisées.

La censure partielle de la loi immigration est "une victoire", s'est félicitée Amnesty International, par la voix de son président. Jean-Claude Samouiller se trouvait dans le rassemblement près du Conseil constitutionnel, à Paris. L'ONG sera "vigilante" à ce que la partie du texte censurée "ne revienne pas par la fenêtre" avant la promulgation de la loi, a-t-il ajouté. Car "ce texte reste dangereux et le gouvernement a franchi des lignes rouges, écrit l'ONG de défense des droits humains sur le réseau social X. Le gouvernement est d’abord responsable d’avoir encouragé un débat nauséabond autour de mesures de la loi 'asile et immigration', qu’il savait n’être pas conformes à la Constitution. L’État devrait être garant du droit constitutionnel, pas celui qui le met en danger."

"Le Conseil Constitutionel censure largement les marchands de haine et la loi 'asile et immigration', réagit l'association Utopia 56 sur X. Cette loi n’aurait jamais dû être votée tant elle est contraire aux droits humains élémentaires. Hier, aujourd'hui, demain, nous veillerons et résisterons."

De son côté, la Fédération des acteurs de la solidarité, qui regroupe près de 900 associations et organismes, a fait part dans un communiqué de son "soulagement" mais assure maintenir "sa vigilance et sa mobilisation". L'organisation appelle le gouvernement à tirer "les conclusions qui s'imposent au vu du profond malaise créé par cette épreuve législative et constitutionnelle pour notre démocratie" et "ne pas tenter de réintroduire par de nouvelles lois" les dispositions n'ayant pas été censurées sur le fond. Delphine Rouilleault, directrice générale de France Terre d'asile, a aussi exprimé son "soulagement immédiat de voir censurées les mesures les plus hostiles aux étrangers". "Mais la faute morale reste immense et les dispositions maintenues vont durcir les conditions d'exercice du droit d'asile. Rien de réjouissant à tout cela", a-t-elle ajouté sur le réseau social X. 

La censure des articles concernant les étudiants étrangers saluée

L'Unef, syndicat étudiant, se réjouit sur X que les Sages aient retoqué les articles 11, 12 et 13 sur les conditions de délivrance d'un titre de séjour étudiant ainsi que sur les frais d'inscription des étudiants étrangers. "La censure par le ConseilConstitutionnel des dispositions concernant les étudiants étrangers est un gain de temps et une respiration", écrit l'Unef. Mais le syndicat ajoute que ce n'est pas "une victoire totale" : "Gérald Darmanin  ne s'arrêtera pas là, nous non plus ! Alors le combat continue."

"Ce texte censuré n'est pas une victoire, souligne de son côté la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) sur X, Nous sommes inquiets devant l'aggravation de la précarité et du racisme systémique auxquels sont confrontés les étudiants étrangers. Supprimer quelques mesures c’est éviter la catastrophe, pas améliorer la situation."

Les associations demandent le retrait de la loi immigration

Dans le rassemblement, c'est une "victoire partielle", a réagi Sophie, membre de l'ONG CCFD-Terre solidaire, interrogée par franceinfo à deux pas du Conseil constitutionnel. Parmi les quelques centaines de personnes, il n'y a pas eu d'éruption de joie à l'annonce de la décision des Sages. Sophie fait part d'un sentiment assez partagé : "Le Conseil constitutionnel a envoyé un signal fort au gouvernement avec la censure de quasiment un tiers des articles, mais nous, depuis le début, on demande le retrait de cette loi qui comportait déjà beaucoup d'articles attentatoires au droit et à la dignité des personnes exilées dans notre pays."

"Les articles censurés avaient été introduits par l'examen au Sénat, ils étaient assez emblématiques de la dérive totale lors de l'examen parlementaire de ce texte."

Sophie, membre de l'association CCFD-Terre solidaire

à franceinfo

"La mobilisation va continuer, sur le volet politique en demandant le retrait de cette loi, mais aussi les recours juridiques avec tous les acteurs engagés dans ce combat", assure la militante de CCFD-Terre solidaire.

Elle est rejointe par la vice-présidente de la Ligue des droits de l'homme (LDH) : "Cette loi porte gravement atteinte aux droits des personnes exilées et remet en question les engagements internationaux de la France. La LDH en demande le retrait et est encore mobilisée ce soir." Même son de cloche chez ATD Quart-Monde : "Face aux prêcheurs de haine et de divisions, restons mobilisés pour les droits de tous !"

Benoît Hamon, ancien candidat PS à la présidentielle et désormais à la tête de l'ONG Singha, estime que la décision du Conseil constitutionnel "est un moindre mal. Reste un vote qui avait validé une idéologie d’extrême droite. Restent les dégâts de plusieurs mois d’une surenchère hystérique et xénophobe. Restons mobilisés pour le retrait." Quant à la Cimade, l'association appelle sur X à poursuivre la mobilisation "pour la non application de ce texte, et pour continuer de résister au démantèlement de nos principes républicains, à la banalisation de la peur de l’autre, de la stigmatisation et de la criminalisation des personnes migrantes".

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