Meurtre de Philippine : cinq questions sur les OQTF et les laissez-passer consulaires

Un suspect de 22 ans, condamné par le passé pour viol et sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), a été interpellé mardi en Suisse dans l'affaire du meurtre d'une jeune étudiante à Paris.
Article rédigé par Camille Laurent, Thomas Pontillon
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des policiers suisses à l'entrée de la gare de Genève, le 24 septembre 2024, après l'arrestation d'un homme de 22 ans, suspecté d'avoir tué une étudiante française. (ELODIE LE MAOU / AFP)

Le profil du suspect du meurtre de Philippine, une étudiante dont le corps a été retrouvé dans le bois de Boulogne, à Paris, relance le débat sur les OQTF (obligation de quitter le territoire français). Âgé de 22 ans, il a été arrêté mardi 24 septembre à Genève en Suisse et faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Depuis, plusieurs responsables politiques, de droite comme de gauche, mettent en cause "la chaîne pénale et administrative", jugeant que le suspect n'aurait pas dû être dans la nature parce qu'il était sous le coup d'une OQTF. Franceinfo revient sur ces dispositions légales.

1 Qu'est-ce qu'une OQTF ?

Il s'agit d'une décision prise par le préfet et qui vise les personnes en situation irrégulière en France. Il existe deux types d'OQTF : celles qui doivent être exécutées dans les 30 jours et d'autres en moins de 48 heures, si la personne représente une menace pour l'ordre public. Si à la fin de ce délai, de 30 jours ou de 48 heures, la personne n'est pas partie d'elle-même, c'est l'administration française qui organise alors son départ.

Pour Aurélien Martini, secrétaire général adjoint de l'Union syndicale des magistrats, "il faut bien faire la distinction entre ce qui relève effectivement de la chaîne pénale, qui va de l'interpellation à l'exécution d'une peine et dans laquelle la justice judiciaire a toute sa responsabilité, de ce qui relève ensuite d'une OQTF, qui relève, elle, de l'autorité administrative, le préfet en l'occurrence. Les OQTF sont contrôlées par le juge administratif avec toutes les difficultés que ça recouvre", souligne le magistrat sur franceinfo, mercredi. 

2 Les OQTF sont-elles exécutées ?

Depuis des années, le nombre d'exécutions des OQTF est faible et a même eu tendance à diminuer. Autour des années 2010, environ 15% des obligations de quitter le territoire étaient menées jusqu'au bout, selon des chiffres fournis par le Sénat. Leur exécution n'atteint que 6 à 7% une décennie plus tard, en pleine crise sanitaire liée au Covid, où de nombreuses frontières sont restées fermées. Selon les derniers chiffres disponibles, le nombre d'OQTF exécutées est un peu remonté en 2022.

D'après un rapport de la Cour des comptes, il se situe désormais autour de 10%. En termes de valeur absolue, sur les quelque 135 000 OQTF prononcées en 2022, environ 15 000 ont abouti à un éloignement ou un départ volontaire.

3 Pourquoi les OQTF sont-elles peu exécutées ?

Le taux d'exécution des OQTF reste bas pour plusieurs raisons, selon un rapport de la Cour des comptes de janvier 2024, notamment à cause du très grand nombre de procédures enclenchées qui "engorgent les préfectures" . Ou encore des OQTF qui visent parfois des personnes qui ne peuvent pas être éloignées parce qu'elles viennent d'un pays en guerre.  

Il y a aussi une raison qui empêche l'exécution de ces OQTF : la France doit obtenir un "laissez-passer consulaire" du pays qui va accueillir la personne éloignée. Ce laissez-passer est précisément le document qui a manqué dans cette affaire, parce qu'il est arrivé hors délai. "Il ne s'agit pas de jeter la pierre à l'autorité administrative, c'est compliqué, mais il y a une question de compétence et de respect des compétences de chacun, souligne le magistrat Aurélien Martini. Après, la question, c'est celle de la capacité de ces services à suivre tous les détenus qui sont libérés par anticipation. Et là, on a une vraie question de moyens et d'efficacité de ces services d'effectivité."

4 Pourquoi un laissez-passer consulaire est-il nécessaire à l'exécution d'une OQTF ?

Un laissez-passer est le document nécessaire pour pouvoir renvoyer une personne sous OQTF dans son pays. Il s'agit même de "la question la plus épineuse", selon un rapport parlementaire publié en 2023, parce que plusieurs pays ne répondent pas, ou très peu, à ces demandes de laissez-passer consulaire. Par exemple, en 2021, la France en a demandé presque 5 500 et seulement la moitié a été délivrée.

5 Pourquoi un taux si faible de réponse de la part des pays d'origine ? 

Ce taux dépend des pays : certains sont coopératifs et d'autres le sont vraiment très peu, notamment au Maghreb. Selon un rapport parlementaire, ces dernières années, le Maroc et l’Algérie ont accepté la moitié seulement des demandes françaises pour un laissez-passer consulaire, et à peine un tiers de réponse favorable pour la Tunisie.

C'est d'ailleurs pour cette raison que la France avait engagé en 2021 un bras de fer avec l'Algérie et avait délivré moins de visas pour obtenir plus de laissez-passer consulaires. Selon le même rapport parlementaire, le nombre de retours avait augmenté, même si le volume restait faible malgré tout. 

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