Reportage Pologne : le droit à l'avortement divise la société, de la jeunesse jusqu'au camp de la majorité

Le Premier ministre Donald Tusk a promis de légaliser le droit à l'IVG jusqu'à 12 semaines de grossesse. Le président Andrzej Duda y est opposé. La société polonaise semble encore très réticente à toute libéralisation.
Article rédigé par Valérie Crova
Radio France
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Temps de lecture : 2 min
Des manifestants participent à une "marche pour la vie" contre la légalisation de l'IVG, le 14 avril 2024 à Varsovie (Pologne). (WOJTEK RADWANSKI / AFP)

S’il y a bien un sujet qui divise la société polonaise, c’est celui de l’avortement. L’IVG n’est autorisée qu’en cas de viol ou d’inceste, ou si la vie de la mère est en danger. L’actuel Premier ministre Donald Tusk a promis de légaliser le droit à l’avortement jusqu’à 12 semaines de grossesse, après avoir remporté les législatives en octobre dernier. Mais les réticences sont encore importantes, y compris parmi la majorité. La jeunesse aussi semble divisée. Franceinfo a donné la parole à deux jeunes polonais qui ont des avis opposés sur la question

Romuald affiche d'entrée ses convictions. "Je trouve que l'avortement, c'est le meurtre d'un être humain, et dans notre Constitution, il est inscrit la défense de la vie, de la conception jusqu'à la mort naturelle", défend cet étudiant en archéologie de 22 ans, qui vient d'une famille catholique pratiquante.

"C'est la question du libre choix. Personne ne force personne à subir un avortement, estime Zosia, 21 ans, piercing à une lèvre. Elle a participé à plusieurs manifestations en faveur de la légalisation de l'avortement. La Constitution dit aussi qu'on est un pays laïc. Il y a aussi des partis politiques qui sont contre la liberté de choisir et qui soutiennent la peine de mort. C'est contradictoire."

Des milliers de femmes avortent hors du pays

La France est le premier pays au monde à avoir inscrit le droit à l'avortement dans sa Constitution. Une avancée pour Zosia, mais Romuald le voit d'un mauvais œil. "Je ne crois pas que ce soit une super solution, tranche-t-il. Est-ce que la civilisation de la mort est la civilisation que l'on veut avoir en Europe ? Il suffit de regarder les chiffres de la démographie." "Et la mort d'Izabela en 2021 ?", rétorque Zosia. Izabela, c'est cette femme de 30 ans, enceinte de 22 semaines et décédée d'un choc septique à l'hôpital. Des échographies avaient mis au jour des malformations du fœtus qu'elle portait. Les médecins ont refusé de pratiquer une IVG tant que le cœur du fœtus battait encore.

"Les histoires des femmes qui meurent à l'hôpital sont les plus sensibles parce que les médecins ont les mains liées."

Zosia, jeune Polonaise

à franceinfo

Dans le droit polonais, l'un des plus restrictifs d'Europe en matière d'avortement, quiconque aide une femme enceinte à interrompre sa grossesse encourt trois ans de prison. Chaque année, des milliers de femmes quittent la Pologne pour avorter ou commandent une pilule abortive à l'étranger. Elles ne sont pas en vente en Pologne. Pour que l'IVG, soutenue par 56% des Polonais, soit un jour légalisée, il faudra attendre la prochaine élection présidentielle, dans un an.

L'actuel président, Andrzej Duda, figure du parti conservateur Droit et justice, y est farouchement opposé. Il a mis récemment son veto à un texte de loi rendant accessible la pilule du lendemain sans ordonnance.

La Pologne divisée sur le droit à l'avortement : reportage de Valérie Crova

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