Joigny, ville solidaire des migrants
Aujourd'hui ce sont trois familles qui vivent chacune dans leur appartement dans cette petite ville de l'Yonne. Un toit, enfin, dans une ville en paix. Fini les tentes du camp jordanien dans lesquelles ils se sont réfugiés pour échapper aux horreurs de la guerre. Un jour de septembre 2012, Mohammed et sa femme ont laissé tout ce qu'ils avaient derrière eux : "Mon oncle était un haut gradé dans l'armée de Bachar. Il a déserté et donc l'armée a menacé toute ma famille. On est parti et on s'est retrouvé dans un camp de réfugiés à la frontière jordanienne. C'était invivable. On est resté six mois en espérant que ça se calme, mais ça n'a fait qu'empirer. Alors on a demandé l'asile ".
Solidarité des voisins
Mohammed ne parle pas encore le français mais il y a trois mots qu'il connait par coeur : "9 février 2015 ". C'est le jour de son arrivée en France... à minuit. Dans un bus après un trajet en avion, avec les 17 autres Syriens. Un déracinement voulu mais forcément violent. Alain Alamine vit à Joigny depuis 30 ans, il est syrien. et il s'est porté volontaire pour accueillir ses compatriotes, un peu perdu à leur arrivée : "Certains nous ont dit "on retourne". Ils se sont retrouvés dans des appartements sans personne autour d'eux. Mais les voisins quand ils ont appris qu'il y avait des Syriens dans qui vivaient là les ont entourés. Et maintenant tout est pris en main ".
"C'est un voisin de plus qui est arrivé. Donc il n'y avait pas de raison que ça se passe mal "
Car la solidarité s'est très vite organisée. A leur arrivée dans l'appartement proposé par la mairie, le frigo était plein - rempli par les restos du coeur - l'appartement meublé par la ville, et des vêtements chauds donnés par le secours catholique les attendaient pour passer l'hiver. Le reste, c'est l'affaire des voisins et l'intégration des familles syriennes se passe très bien comme l'explique Corine Fagota de l'association Coalia qui vient en aide aux demandeurs d'asile : "C'est un voisin de plus qui est arrivé. Donc il n'y avait pas de raison que ça se passe mal. Il y a eu une belle solidarité spontanée qui s'est mise en place avec quelques meubles, du relais en accompagnement, de la traduction ".
"En Jordanie, il n'y a pas de Playstation "
Pour les enfants cette intégration passe d'abord par l'école. Khaled et ses trois frères y sont depuis leur arrivée. Ils se sont déjà faits des copains :"on joue au foot, on joue à cache-cache et tout ", se réjouit-il. Et puis en France ils ont découvert avec leur grands yeux plein de choses qu'ils ne connaissaient pas ou qu'ils ne pouvaient s'offrir : "En Jordanie, il n'y a pas de vélo, parce que c'est trop cher. Il y a mon pote avec sa Playstation. En Jordanie, il n'y a pas de Playstation ".
Récits de guerre
Il y a surtout la guerre là-bas, que Khaled ne peut raconter qu'en chantant. Des souvenirs beaucoup trop durs pour lui. Mais Nicolas Soret, le premier adjoint au maire de Joigny a recueilli les confidences de son père, Marouane : "Il parle de la peur, de la peur très concrète, de voir sa famille égorgée par Daech. C'est une chose de lire les récits dans la presse et c'est une autre chose de voir ces récits s'incarner sur des visages et de voir des hommes pleurer parce qu'ils ont enduré des choses abominables dans leur pays ".
La plupart des habitants favorables
L'équipe municipale de Joigny est donc très fière d'accueillir ces familles, quel qu'en soit le prix qui n'est d'ailleurs pas très élevé pour la commune. Les familles touchent les minimas sociaux. L'état paye aussi leurs loyers. Pour certains dans les rues de Joigny c'est déjà trop : "Je pense que ce n'est pas une bonne chose. On n'a pas les moyens. C'est anormal que l'Etat paye leur loyer alors qu'on paye des impôts ", s'indigne un homme.
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Mais ils ne reflètent pas forcément la majorité. La plupart des Joviniens croisés dans la rue sont favorables à la présence de ces syriens : "Je leur souhaite la bienvenue. Avec tout ce qu'on voit actuellement, je pense qu'on peut les aider ", réplique une femme. "Il faut le faire, c'est un énorme problème, il faut le résoudre ", dit un autre Jovinien. "Il faut se mettre à leur place. C'est la guerre. Ca fait plaisir que le maire les accueille et s'il peut en accueillir un peu plus, construire des lotissements pour eux, ils seront les bienvenus à Joigny ", assure un jeune homme.
Joigny, une des premières communes à avoir accueilli des réfugiés syriens alors qu'elle est classée par l'Etat comme l'une des 100 villes les plus pauvres de France.
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