Affaire McKinsey : quatre questions sur l'enquête du Parquet national financier sur les pratiques fiscales du cabinet de conseil
Le parquet national financier a entamé des investigations pour "blanchiment aggravé de fraude fiscale" après la publication du rapport de la commission d'enquête du Sénat.
L'affaire McKinsey prend une tournure judiciaire. A quelques jours du premier tour de la présidentielle, le Parquet national financier (PNF) a annoncé, mercredi 6 avril, qu'il avait ouvert une enquête sur les pratiques d'"optimisation fiscale" du cabinet de conseil, révélées par la commission d'enquête du Sénat et dénoncées par l'opposition.
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Les investigations, entamées le 31 mars, portent sur des faits de "blanchiment aggravé de fraude fiscale" reprochés à branche française du cabinet américain McKinsey, entre 2011 et 2020. Franceinfo répond à cinq questions sur cette enquête.
1Pourquoi le PNF a-t-il ouvert une enquête ?
Le procureur de la République financier, Jean-François Bohnert, a expliqué, dans un communiqué publié le 6 avril, avoir ouvert cette enquête après avoir pris connaissance du rapport de la commission d'enquête du Sénat sur l'influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques.
Dans ce document publié le 16 mars, la commission d'enquête assure que les contrats conclus par l'Etat avaient "plus que doublé" entre 2018 et 2021, atteignant un coût estimé à 894 millions d'euros en 2021. Le cabinet McKinsey, qui a notamment conseillé le gouvernement sur la stratégie vaccinale de la France, est cité dans les travaux des élus. Avec plus de 12 millions d'euros facturés pendant la crise sanitaire, il est celui auquel l'exécutif a eu le plus recours.
Or, les sénateurs affirment que "le cabinet McKinsey est bien assujetti à l'impôt sur les sociétés (IS) en France" mais que "ses versements s'établissent à zéro euro depuis au moins 10 ans, alors que son chiffre d'affaires sur le territoire national atteint 329 millions d'euros en 2020". La commission d'enquête appuie cette affirmation sur "deux contrôles sur pièces et sur place (...) menés au ministère de l'Economie et des finances".
L'enquête ouverte par le PNF ne vise que cette question de fiscalité et non le reste du rapport. Les investigations ont été confiées au Service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF), un service de "police fiscale", placé sous la tutelle du ministère de l'Action et des Comptes publics.
2Que répond McKinsey ?
Le cabinet McKinsey assure, dans un texte publié le 6 avril, se tenir "à la disposition des administrations et autorités compétentes". Le groupe s'étonne cependant de la "focalisation" sur son cas et "réaffirme que le cabinet respecte les règles fiscales et sociales françaises qui lui sont applicables. L'approche fiscale appliquée par McKinsey est similaire dans les pays où il est présent et constante depuis des années. Cette approche est conforme avec les principes directeurs de l'OCDE et a été partagée avec l'administration fiscale française."
3Quelle est la position du gouvernement ?
Mercredi, sur TF1, le président-candidat Emmanuel Macron, dont la fin de campagne a été bousculée par cette affaire, a estimé que c'était "une très bonne chose" qu'une enquête soit ouverte "quand on dit qu'une entreprise aurait fraudé". Il a également repris l'argument selon lequel le non-paiement de l'impôt sur les sociétés par McKinsey s'expliquait par les règles fiscales en vigueur, affirmant s'être "battu" au niveau européen pour qu'elles changent bientôt.
Le même jour, à la sortie du Conseil des ministres, le porte-parole Gabriel Attal a assuré que le gouvernement, "depuis le début, appelait à ce que toute la vérité soit faite sur les pratiques fiscales de ce cabinet de conseil". Un "train de vérification fiscale a été diligenté par le ministère des Finances" dès le mois de novembre 2021, a-t-il ajouté. De son côté, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a réaffirmé, jeudi, que McKinsey paierait "tout ce qu'ils doivent comme impôt au Trésor public français".
Il a également dit "comprendre l'émotion" des Français vis-à-vis de ce dossier, leurs interrogations sur les soupçons de fraude fiscale du cabinet McKinsey et sur le recours aux cabinets de conseil en général. "On va vérifier s'il n'y a pas un moyen d'employer moins ces cabinets de conseil", s'est-il engagé.
4Comment l'opposition réagit-elle ?
En pleine campagne présidentielle, les oppositions politiques au chef de l'Etat demandaient depuis l'ouverture d'une enquête sur ce qu'elles considèrent comme du favoritisme dont la majorité ferait preuve au profit de ce cabinet de conseil.
Les candidats à l'élection présidentielle ont donc salué l'ouverture d'une enquête. "Mieux vaut tard que jamais", a réagi Nicolas Dupont-Aignan, jeudi sur franceinfo. "Il était temps", a fustigé de son côté la candidate LR, Valérie Pécresse. Même commentaire du côté du communiste Fabien Roussel ou d'Eric Zemmour, qui ont au passage salué le travail des parlementaires sur ce sujet.
De son côté, le candidat Nicolas Dupont-Aignan a regretté que l'enquête ne porte "que sur la fraude fiscale", espérant des investigations sur de possibles "conflits d'intérêts". Quant au président du Rassemblement national, Jordan Bardella, il s'est interrogé sur un "scandale d'Etat" qui "pose une question fondamentale : qui dirige la France ?" Le porte-parole de La France insoumise, Adrien Quatennens, a lui aussi réagi à l'ouverture de l'enquête, sur Europe 1, s'interrogeant sur "un recours aussi accru de ces cabinets de conseil".
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