Crèche Baby Loup : "Le début d'une justice au cas par cas"
Pour l'avocat spécialiste en droit du travail Yves Nicol, la Cour de cassation, en annulant le licenciement d'une salariée voilée, a créé une "insécurité juridique".
L'affaire de la crèche Baby Loup a fait réagir jusqu'au ministre de l'Intérieur, Manuel Valls. La Cour de cassation a annulé, mardi 19 mars, le licenciement de Fatima Afif, salariée de cette crèche de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), qui refusait de retirer son foulard islamique. Pourtant, jusqu'à présent, la justice avait donné raison à l'établissement qui invoquait, dans son règlement intérieur, une obligation de "neutralité philosophique, politique et confessionnelle". L'analyse d'Yves Nicol, avocat spécialisé en droit du travail.
Francetv info : Que va changer la décision de la Cour de cassation au droit du travail français ?
Yves Nicol : Cet arrêt crée une véritable insécurité juridique, car la Cour de cassation a fondé sa décision sur le même article que la cour d'appel de Versailles, qui donnait raison à l'employeur. Cet article, c'est le L 1121.1 du code du travail, qui précise que "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché".
Quelles sont les conséquences pour les employeurs ?
En s'appuyant sur ce texte, la cour d'appel estimait que les enfants de la crèche Baby Loup, "compte tenu de leur jeune âge, n'[avaient] pas à être confrontés à des manifestations ostentatoires d'appartenance religieuse". Le contact avec une clientèle multiculturelle entrait dans "la nature de la tâche" et justifiait l'interdiction des signes religieux. Après la décision de la Cour de cassation, un employeur confronté à un employé qui refuse de changer de tenue risque d'être condamné pour discrimination. C'est une accusation lourde et le début d'une justice au cas par cas.
Cela signifie-t-il que la loi, en l'état, est inadaptée ?
Non, le code du travail est très clair et a toujours été appliqué dans le même sens. Dans le cas de Baby Loup, nous sommes face à une décision plus politique que juridique. On a vu la Halde s'en emparer, la philosophe Elisabeth Badinter défendre Baby Loup. Ce n'est pas anodin que le ministre de l'Intérieur ait réagi à l'arrêt mardi, car il va à l'encontre de sa vision de la laïcité. Mais ce n'est pas la laïcité le problème. C'est qu'il s'agit d'une décision politique qui aura des conséquences juridiques imprévisibles.
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