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Djihadistes français : un député face aux familles

Comment mieux prévenir le basculement d'individus dans la radicalisation violente et comment les en faire sortir ? Sébastien Pietrasanta, l'un des deux députés chargés de réfléchir à cette problématique est allé à la rencontre de familles dont les enfants sont partis en Syrie.
Article rédigé par Sophie Parmentier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Le député socialiste Sébastien Pietrasanta et Sonia Imloul, de la cellule de déradicalisation de Seine-Saint-Denis, avec des femmes dont un proche est parti en Syrie © RF/S Parmentier)

C'est dans un appartement anonyme de Seine-Saint-Denis, que le député socialiste des Hauts-de-Seine Sébastien Pietrasanta, rapporteur de la loi antiterroriste, a rencontré des familles, qui se réunissent, presque chaque dimanche, depuis que cette cellule de déradicalisation existe. Des pères, des mères, des frères, des sœurs, des oncles, se retrouvent, parfois plus d'une fois par semaine, pour se réconforter et s'épauler dans leur malheur. Ils ont tous le même point commun : leur fils ou leur fille, leur frère ou leur neveu ont voulu partir en Syrie. La plupart ont réussi. Plusieurs, sont déjà morts, dans les rangs de Daech ou de Jabat Al Nosra.

Camilia, explique au député comment son petit frère, Ryad, est parti en Syrie, l'année dernière, à l'âge de 21 ans : "Il est là-bas, il est au combat. Et contrairement aux autres, mon frère s'en vante, qu'il a commis des meurtres, enfin qu'il a participé".

Nadia, la maman, qui pratique un islam modéré, continue à parler avec son fils, via Skype. Des appels qui la bouleversent à chaque fois : "Il m'appelle, il dit que je lui manque, que le soir il pleure. Un jour il me dit ça, et un autre jour je ne le reconnais même pas. Il a complètement changé. S'il revient, d'un côté on sera soulagé, de l'autre on aura peur."

De retour

Peur d'une radicalisation irréversible. Zohra, une autre maman, veut la rassurer. Son fils, Moussa, est rentré de Syrie, l'an dernier, après y avoir passé un mois et dix jours. Depuis, il est incarcéré. Sa maman assure que son enfant souhaite se désendoctriner, mais le programme de déradicalisation n'existant pas encore en prison, aucune main ne se tend pour l'aider, regrette Zohra, qui aimerait que son fils puisse accéder à titre expérimental à cette cellule de déradicalisation que dirige Sonia Imloul, en Seine-Saint-Denis. Zohra qui commence seulement à en apprendre un peu plus sur le séjour de son fils en Syrie. "C'est maintenant qu'il commence à me raconter. Il a été dans un camp d'entrainement. Et ils l'ont choisi lui pour faire un attentat suicide. Il a pas voulu faire cette mission …"

"Ils l'ont choisi lui pour faire un attentat suicide. Il a pas voulu faire cette mission…" (Zohra)

  

Face à ces témoignages, le député Sébastien Pietrasanta, a surtout été frappé par des pères et des mères, qui disent parfois qu'ils ne reconnaissent plus leur enfant. Des enfants aux profils, multiples, et c'est ce côté protéiforme qui est une difficulté majeure pour gérer les retours de Syrie, estime Sébastien Pietrasanta : "Il n'y a plus de profils type. C'est la difficulté des pouvoirs publics. Il faut qu'on soit extrêmement prudent". 

"Il n'y a plus de profils type. C'est la difficulté des pouvoirs publics. Il faut qu'on soit extrêmement prudent" (Sébastien Pietrasanta)

Parmi les solutions débattues hier avec les familles, l'idée de centres fermés, pour accueillir des djihadistes. Centres fermés que défend aussi Sonia Imloul, à la tête de la cellule de déradicalisation de Seine-Saint-Denis. Sonia Imloul a réussi à éviter une dizaine de départs vers la Syrie pour une dizaine de jeunes qu'elle a fait revenir à la raison et qu'elle continue à accompagner avec quatre psychologues et sept éducateurs. Elle aimerait dupliquer son modèle à l'échelle nationale, pour faire face à ce phénomène de société que beaucoup comparent à une épidémie.

"J'étais très heureuse qu'il puisse venir rencontrer les familles" (Sonia Imloul)

 

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