Meurtres de Montigny-lès-Metz : pourquoi Henri Leclaire est mis en examen
En 1986, il avait avoué le double homicide, avant de revenir sur ses propos. Un témoin dit aussi l'avoir vu "ensanglanté" sur les lieux du crime. Des "indices graves et concordants", d'après la justice, qui expliquent ce rebondissement.
Après Patrick Dils, finalement acquitté, et Francis Heaulme, toujours en attente de jugement, Henri Leclaire a été mis en examen pour homicide, mardi 5 août, dans l'affaire du double meurtre d'enfants de Montigny-lès-Metz (Moselle), il y a vingt-huit ans. La justice, très critiquée en raison de ses errements et de ses revirements dans cette affaire hors norme, estime désormais qu'il existe contre cet ancien manutentionnaire de 65 ans des "indices graves et concordants". Assez pour l'accuser d'avoir tué deux garçons de 8 ans, Cyril Beining et Alexandre Beckrich.
Le juge d'instruction en charge de l'affaire cherche à établir quel a été son rôle le dimanche 28 septembre 1986, au sommet du talus ferroviaire de Montigny où les enfants ont été retrouvés morts, le crâne fracassé par des pierres.
Pourquoi Leclaire n'avait-il jamais été mis en examen ?
Aujourd'hui retraité, Henri Leclaire est, à l'époque des faits, manutentionnaire dans une entreprise proche des lieux où ont été tués les deux garçons. A l'époque, et dès les premiers jours de l'enquête, il avoue en garde à vue le double meurtre, en expliquant que, "sans savoir pourquoi", il avait "pris une pierre et frappé la tête de chacun des enfants". Mais sa version comporte trop de détails inexacts pour les policiers, d'avantage séduits par la piste Patrick Dils, qui lui aussi est passé aux aveux. Condamné deux fois, Dils sera innocenté à l'issue de son troisième procès en 2002.
Depuis, Leclaire a toujours clamé son innocence. Y compris quand Francis Heaulme, le tueur de l'Yonne, deuxième suspect du meurtre, explique en 2002 qu'il a vu Henri Leclaire descendre en courant du talus où ont été trouvés les corps. Certains croient même à une complicité entre les deux hommes, sur la base d'un témoignage de Heaulme qui citait un certain "Henri Leclerc" en 1992. Placé sous le statut de témoin assisté, Henri Leclaire bénéficie d'un non-lieu en 2013.
Quels nouveaux éléments justifient ce procès ?
C'est à l'occasion du procès en assise de Francis Heaulme, le quatrième dans cette affaire, qu'Henri Leclaire ressurgit. Deux témoins de dernière minute l'accablent. Un ex-conducteur de la SNCF affirme avoir vu Henri Leclaire courir le long des voies le jour du crime, vêtu d'un T-shirt ensanglanté. L'autre témoignage, le plus troublant, est celui d'une femme à qui il se serait confié en 2012 : dans des termes quasiment identiques à ceux de ses aveux de 1986, il lui a dit s'en être pris aux enfants, en niant toutefois les avoir tués.
Confronté à cette nouvelle accusatrice, Leclaire a reconnu avoir tenu de tels propos. Mais il a affirmé dans la foulée avoir "inventé" cette histoire. L'institution judiciaire a tout de même estimé ces révélations suffisantes pour interrompre le procès de Heaulme et ouvrir une nouvelle enquête contre lui.
Pourquoi n'y a-t-il pas prescription pour ces faits datant d'il y a vingt-huit ans ?
Dans les affaires d'homicide, le délai de prescription, au-delà duquel Henri Leclaire n'aurait pas pu être mis en examen, est de dix ans. Néanmoins, le décompte ne se fait pas à partir des faits, mais du dernier acte d'instruction ou de poursuite. Soit, en l'occurrence, la mise en examen de Francis Heaulme en 2006.
Quelles suites peut-on attendre dans cette affaire ?
Pour l'instant, Henri Leclaire a été laissé libre, sous contrôle judiciaire, avec interdiction d'entrer en contact avec les protagonistes de l'affaire. Les juges d'instruction de Metz devront désormais déterminer la responsabilité des deux mis en examen, Heaulme et Leclaire, dans un dossier où les éléments matériels manquent et où les déclarations des suspects, voire des témoins, ont sans cesse varié. Si les charges contre les deux hommes s'avéraient toutefois suffisantes, ils seraient alors renvoyés devant la Cour d'assises, au mieux à l'horizon 2016, selon des sources judiciaires.
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