Etats généraux de la justice : "Il y a peut-être trop de lois qui s'empilent", selon l'ancienne garde des Sceaux Marylise Lebranchu
L'ancienne ministre de la Justice déplore également que la justice soit "souvent trop loin" des citoyens.
"Il y a peut-être trop de lois qui s'empilent", a lancé samedi 5 juin sur franceinfo Marylise Lebranchu, ancienne ministre de la Justice du gouvernement de Lionel Jospin, entre 2000 et 2002, alors qu'Emmanuel Macron a décidé de lancer les États généraux de la justice.
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Marylise Lebranchu plaide pour que l'on "arrête de faire des lois" et que soit fait "un vrai bilan, mais un bilan public" de celles qui existent. Elle est favorable à ces États généraux, même s'il y aura des "clichés sur le laxisme de la justice". L'ancienne garde des Sceaux déplore également que la justice soit "souvent trop loin" des citoyens.
franceinfo : Est-ce que ces États généraux de la justice sont nécessaires pour apaiser le malaise de certains magistrats ?
Marylise Lebranchu : Pourquoi pas. Mais c'est vieux comme la justice. Il y a une vingtaine d'années, j'ai vécu le même type de situation avec la réception de tous les syndicats de police à l'intérieur du ministère de la Justice. Il y avait eu une explication entre ministères de la Justice et ministère de l'Intérieur parce que nous connaissions le même type de difficultés. Je pense qu'on a du mal à provoquer un vrai débat sur le soi-disant laxisme de la justice. C'est compliqué parce qu'il s'agit à chaque fois de cas concernant des personnes. Quand il y a une affaire, elle éclipse toutes les autres. Mais je pense que le débat, c'est à l'intérieur de l'institution judiciaire (qu'il faut le faire), parce qu'elle souffre depuis longtemps. Tous les ministres de la Justice le disent, il faut plus de moyens, et plus de moyens en police judiciaire. Mais il faudrait que l'on puisse avoir un débat citoyen comme on l'avait fait sur l'administration pénitentiaire et les prisons. Parce que souvent, c'est une affaire qui éclipse le fait que beaucoup de citoyens sont satisfaits de leur justice alors qu'ils ont eu à ester en justice.
Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, veut faire participer les citoyens, en plus de ratisser large au sein de la justice elle-même. Est-ce nécessaire ?
On a un vrai problème d'organisation. On a un vrai problème de silence de la justice, mis à part bien sûr les gardiens qui eux s'expriment de temps en temps quand il y a des problèmes graves. L'ensemble de l'institution judiciaire parle peu. L'ensemble de l'institution policière, même si ce n'est pas son appellation, parle beaucoup. Donc, on a un vrai problème d'explications, d'échanges avec les citoyens. La question est de savoir comment on l'organise et comment on prend en compte ce qui va être dit. On va d'abord avoir des clichés, parce qu'il y a beaucoup de clichés sur le laxisme de la justice. Et puis on a supprimé récemment le rappel à la loi. Je pense que c'est dommage. Mais on supprime le rappel à la loi parce que dans la vox populi, on dit : les jeunes délinquants ne sont pas punis, la preuve, on leur fait seulement un rappel à la loi. Un rappel à la loi est utile pour un premier acte.
Emmanuel Macron souhaite aussi que le garde des Sceaux rende compte chaque année au Parlement de la politique pénale du gouvernement. Est-ce que ce serait nouveau ?
Ce n'est pas totalement nouveau. Cela existe déjà et je pense que c'est indispensable. Généralement, on le fait devant la commission des Lois à la demande de la commission des Lois. Je pense qu'il y a peut-être trop de lois qui s'empilent. On ne fait pas de bilan de la loi précédente et on ajoute une loi parce qu'il y a eu malheureusement un drame. Et de loin en loin, sans débat, sans analyse, est-ce qu'on a progressé ? Il faudrait peut-être dire : on arrête de faire des lois, on fait le bilan de tout ce qui a été fait. On fait un vrai bilan, mais un bilan public. On fait peut-être ces États généraux et on cherche où sont réellement les manques. On a eu tort je pense de fermer trop de tribunaux dits de proximité. La justice est souvent trop loin. Rendre compte de la politique pénale, c'est la moindre des choses, sachant que la politique pénale est issue de la loi, donc du Parlement.
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