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Le trader Fabrice Tourre, symbole de la crise des subprimes, devant la justice

Le trader français, ex-salarié de la banque Goldman Sachs, comparait aujourd'hui devant le gendarme de Wall Street pour avoir vendu en 2007 un produit financier à haut risque à des investisseurs. Une opération qui lui a rapporté un milliard de dollars, et qui fait de lui le symbole des dérives de la bourse américaine.
Article rédigé par Pierrick de Morel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Jim Young Reuters)

Un symbole. Celui de la crise des subprimes et des excès du secteur de la finance. Voilà ce qu'incarne Fabrice Tourre alors que s'ouvre lundi à New York son procès devant la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme de la Bourse aux Etats-Unis.

L'ancien employé de Goldman Sachs va devoir répondre d'accusations de fraude, devenant ainsi l'un des rares salariés de Wall Street directement mis en cause pour son implication dans la crise des emprunts hypothécaires.

Une fraude à 3 milliards de dollars

En 2007, le trader a 27 ans lorsqu'il met au point un produit financier complexe : baptisé Abacus 2007-AC1 , ce dernier est basé sur des dérivés d'emprunts immobiliers à risque. Le trader sillonne l'Europe pour les vendre à ses clients, et s'associe en parallèle au fonds spéculatif américain, Paulson & Co, pour jouer le produit à la baisse. Bénéfice du stratagème : un milliard de dollars de plus-value pour John Paulson, deux milliards pour Tourre.

Les comptes sont moins favorables pour les investisseurs, qui perdent un milliard de dollars dans l'opération. Parmi ces acheteurs figuraient notamment la banque néerlandaise ABN et sa consoeur allemande IKB, première
victime en Allemagne de la crise des subprimes et qui sera obligée de se faire racheter par un fonds d'investissements américains pour ne pas mettre la clé sous la porte.

"Cette affaire était un jeu à somme nulle , résume Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint du magazine Alternatives Economiques . Comme il l'explique au micro de France Info, "ce que les uns ont gagné, les autres l'ont perdu ".

Lâché par Goldman Sachs

Au moment des faits, Goldman Sachs ne trouve rien à redire aux manœuvres de son trader, et le propulse même directeur général à Londres pour qu'il y développe un produit similiaire adapté au marché européen.

Mais en 2010, lorsque l'affaire éclate, la banque américaine retourne sa veste : elle lâche son salarié et négocie avec la SEC l'abandon des poursuites à son encontre, pour 550 millions de dollars. Cette somme faramineuse lui permet d'éviter le procès, sans avoir à reconnaître son erreur.

Avec ce retrait, elle a laissé Fabrice Tourre seul face à la justice américaine, et a même enfoncé son ancien trader en transmettrant à la presse des courriels compromettants, repris sur le site du Telegraph (en anglais). C'est un véritable coup dur pour le Français : dans ces messages envoyés à ses proches, il y reconnait sa participation dans l'affaire, écrivant notamment :

Quand je pense que c'est un peu moi qui ai participé à la création de ce produit (...) ça fait mal au coeur de voir que ça implose en vol... C'est un peu comme Frankenstein se retournant contre son inventeur.

"Fabulous Fab"

L'autre enseignement de ces mails est ce qu'ils révèlent de la personnalité de Fabrice Tourre. Dans un message envoyé à sa petite amie, le Français s'attribue le surnom de "Fabulous Fab ". Sa confiance en lui et son arrogance se sont également vus lors de sa première audience devant la SEC, le 27 avril 2010 :

A l'époque, le trader avait nié les faits, et son comportement avait choqué le sénateur démocrate Ted Kaufman :

"Il était arrogant et même super arrogant. Il était du genre, vous n'avez pas le droit de me poser ces questions et j'en sais plus que vous sur ce dossier. C'était clairement une stratégie pour ne pas parler de ce qu'il avait fait."

Goldman Sachs et Fabrice Tourre se sont finalement séparés en février dernier, comme le raconte le site du Monde. La banque s'est cependant engagée à prendre en charge les frais s'avocat du Français. Il devra cependant assumer seul les accusations de la SEC, au cours d'un procès qui devrait durer trois semaines.

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