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Lutte contre la fraude fiscale : "Depuis 2009, la France l’a joué petit bras"

Le magazine "Cash investigation" s'est penché sur l'évasion fiscale et sur l'exploitation de la "liste Falciani". Entretien avec Valentine Oberti, qui a enquêté plusieurs mois sur le sujet.

Article rédigé par Michael Bloch - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Photo prise le 19 avril 2013 devant des bureaux de la banque HSBC à Lugano (Suisse). (DINO FRACCHIA / TIPS/ AFP)

L'émission "Cash investigation" de France 2 était consacrée, le 11 juin, à l'évasion fiscale. Les journalistes Valentine Oberti et Wandrille Lanos ont obtenu un entretien exclusif avec Hervé Falciani, un ancien informaticien de la banque HSBC qui a transmis à la France, en 2009, une liste de Français ayant un compte en Suisse et accusés d'avoir fraudé le fisc. Recherché par la Suisse, Hervé Falciani vit aujourd'hui en Espagne, protégé par la police. Entretien avec la journaliste Valentine Oberti, qui a enquêté pendant plusieurs mois sur le sujet.

Francetv info : Où en est-on de l’utilisation des fichiers HSBC transmis par Hervé Falciani en 2009 à la France ?

Valentine Oberti : Selon le bilan officiel délivré par Bercy, 2 846 comptes de Français, ayant des avoirs actifs, ont été identifiés, 896 ont fait l’objet d’un redressement fiscal, 66 se sont spontanément déclarés, et 86 ont déjà fait l’objet de poursuites pénales. Pour le reste, les investigations sont encore en cours.

Il reste également le problème des plus de 3 000 comptes de Français qui ont un encours négatif ou égal à zéro. Bercy refuse de dire s'il travaille sur le sujet. Or ce sont précisément ces comptes qui devraient inquiéter Bercy parce qu’il peut s’agir de comptes dormants. Pourquoi garder un compte ouvert si on ne met rien dessus ? C'est parce que cela permet de faire transiter de l'argent vers d'autres paradis fiscaux. Il faut de la transparence. C’est ce que promet le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve. Mais il faut que les paroles soient suivies d’actes.

Pourquoi la France a-t-elle été si longue à exploiter la liste d’Hervé Falciani ?

Il y a eu au minimum des lenteurs et au maximum des entraves volontaires. Sur les quelques noms de cette liste qui ont pu fuiter, on retrouve des noms proches de l’ancien pouvoir, comme celui du préfet Jean-Charles Marchiani, ou du gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre. On peut se poser des questions sur les freins qui ont été mis à l’enquête. Quand on voit tout ce qui a été fait en Espagne depuis moins d’un an, en particulier par le parquet anticorruption, on comprend que la France l’a joué petit bras depuis 2009.

Quelles étaient les intentions d’Hervé Falciani ? Certains, comme son ex-maîtresse, ont évoqué des motivations pécuniaires.

Les motivations de départ d’Hervé Falciani peuvent, en effet, paraître troubles. A-t-il voulu vendre ses données au Liban comme la Suisse l’a accusé ? Lui affirme n’avoir jamais voulu le faire. L’audience nationale, la plus haute juridiction espagnole, a statué sur la question en avril 2013.

Elle estime que "la Suisse n’apporte pas de preuve concrète et précise de la tentative de vendre ces données et d’obtenir de l’argent". Avant l’Espagne, Hervé Falciani vivait en France depuis quatre ans, dans une situation non pas de clandestin, mais extrêmement difficile. Il a fait pas mal de sacrifices depuis son départ de la Suisse. Sa vie est aujourd'hui plus compliquée que lorsqu'il était cadre chez HSBC.

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