Contre les réformes des retraites et de la mobilité, la difficile mobilisation des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation
Au fil des derniers mois, les agents des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) ont tenté plusieurs actions pour dénoncer la réforme des retraites et de leurs règles de mobilité. Une mobilisation "limitée", les personnels pénitentiaires n'ayant pas le droit de faire grève.
Ils étaient entre 150 et 200, selon les syndicats, à manifester devant des locaux du ministère de la Justice, jeudi 6 février, porte d'Aubervilliers à Paris. Dans le nord de la capitale, ces dizaines d'agents des Services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) ont mené cette nouvelle mobilisation, pour dénoncer de "multiples agressions" à l'encontre des services publics et du leur, selon les mots de la CGT insertion-probation.
Depuis le mois de novembre, ces conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation alertent plus particulièrement sur deux réformes à leurs yeux problématiques : celle des retraites, et celle concernant leur mobilité, dans le cadre de la récente loi de transformation de la fonction publique. Ces agents font néanmoins face à un obstacle de taille dans leur mobilisation : l'interdiction, pour leur profession, de faire grève.
Un "profilage des postes" pour les mutations
Les actions des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation ont débuté "mi-novembre" contre ces nouvelles règles de mobilité, relate auprès de franceinfo Julien Magnier, secrétaire national au sein de la CGT insertion-probation. Jusqu'à présent, explique-t-il, la mobilité de ces agents s'opérait via un système de "points acquis par ancienneté, dans la fonction et sur un lieu de travail". A cela s'ajoutait la prise en compte de "points de bonification" pour des rapprochements familiaux, poursuit le syndicaliste.
"C'était un système équitable, et l'administration a voulu transformer cela en entretien de recrutement", dénonce Julien Magnier. Car avec cette réforme apparaissait l'envoi de CV et lettres de motivation pour être muté, une pré-sélection d'agents par le chef du service concerné ainsi que des entretiens. Un "profilage des postes" également vivement dénoncé par le Snepap, le syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire.
Les agents des SPIP mobilisés contestent en parallèle la réforme des retraites. Un projet qui, d'après eux, devrait profondément les désavantager. Ce système de retraites universel et par points doit en effet prendre en compte l'ensemble de leur carrière, et non plus les six derniers mois pour le calcul de leurs pensions.
A l'heure actuelle, un agent de SPIP à la carrière complète doit percevoir 1 850 euros net de pension par mois. Avec la réforme, il percevrait 1 400 euros net par mois.
Julien Magnier, secrétaire national CGT insertion-probationà franceinfo
Un nouveau régime "très défavorable aux femmes", majoritaires dans la profession et davantage concernées par des temps partiels et des congés parentaux, ajoute Elise Labbé, secrétaire nationale au sein du Snepap (Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire).
Faute de droit de grève, un impact "limité"
Contre ces deux réformes, une majorité des SPIP – 80 sur 103, d'après la CGT insertion-probation – multiplient depuis plusieurs mois les actions de contestation. "Une fois par semaine, entre fin novembre et début janvier, nous avons mené des envois massifs de courriels, plus de 800 en simultané" à des directeurs de l'administration pénitentiaire et de la Chancellerie, détaille Julien Magnier.
En parallèle, les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation mobilisés ont distribué des tracts devant les services, placé des banderoles à leurs entrées ou encore mené "des journées de service mort", lors desquelles "les gens ne géraient que les urgences". Ils pouvaient, par exemple, "garder le silence" lors de réunions institutionnelles ou refuser d'y participer. Des formes de protestation à l'impact "limité", car "nous ne pouvons pas nous arrêter de travailler", regrette Elise Labbé.
Nous sommes soumis à un statut spécial : nous n'avons pas le droit de grève, et nos actions concertées peuvent également être réprimées.
Elise Labbé, secrétaire nationale au Snepapà franceinfo
Dans le cas des boycotts de réunions, "l'administration peut considérer qu'il s'agit d'une action concertée, et réduire d'un 1/30e le salaire mensuel, ou prendre des mesures disciplinaires", poursuit la syndicaliste. Celle-ci assure que depuis le début de la mobilisation, il y a ainsi eu "des menaces de sanctions" et "des lancements de procédures", qui n'ont toutefois pas abouti à ce stade.
Avec ces contraintes, "l'administration ne peut pas nous considérer comme nuisibles", concède de son côté Julien Magnier. "Nous ne pouvons pas interrompre le service ne serait-ce qu'une journée, pour montrer la mobilisation en cours. Il n'y a pas de visibilité d'un mouvement d'arrêt de travail dans les SPIP, ce n'est pas possible." Autre limite à leur mobilisation : les agents étant contraints de poser des jours de congés pour manifester, ils doivent parfois faire des choix parmi leurs revendications. Rejoindre un cortège interprofessionnel contre la réforme des retraites, ou prendre part à des actions contre celle de la mobilité. "S'ils doivent choisir, ils choisissent d'être visibles sur la réforme de la mobilité", convient le syndicaliste.
Avoir le droit de grève aurait, pour ces syndicats, sensiblement changé la donne. "Nous aurions pu négocier pour faire partie des exceptions" et ne pas être concernés par la réforme de la mobilité, juge Elise Labbé. Avec la mobilisation récente des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, "nous avons obtenu des avancées qui n'en sont pas vraiment", déplore-t-elle. Pour cette année, les personnes souhaitant être mutées n'auront à envoyer ni CV, ni lettre de motivation, et les entretiens seront optionnels. Mais l'idée initiale de la réforme "pourrait revenir en 2021", prévient Julien Magnier. "La mobilisation ne va pas s'arrêter."
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