La réforme pénale est-elle laxiste ?
L'Assemblée nationale débute, mardi, l'examen du projet de loi sur l'efficacité des sanctions pénales. L'opposition s'insurge déjà contre l'esprit du texte.
"En quoi suis-je laxiste ? Depuis deux ans, c'est magique : j'entends ça tous les jours mais personne ne me donne un seul exemple." Alors que l'examen de son projet de réforme pénale débute, mardi 3 juin, à l'Assemblée nationale, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, se dit prête à répondre aux accusations d'indulgence. Francetv info passe en revue les principaux points du projet de loi et les reproches de laxisme qui lui sont adressés.
Une nouvelle peine : la contrainte pénale
Ce que dit le projet de loi La contrainte pénale, privative de liberté, pourra concerner tout auteur d'un délit (et non d'un crime) dont la personnalité "justifie un accompagnement socio-éducatif individualisé et renforcé". Le condamné devra respecter des obligations (réparation du préjudice, soins psychiatriques, travail d'intérêt général...) et des interdictions (de conduire, de contacter certaines personnes, de fréquenter certains endroits...), précisées, au cas par cas, par les juges.
Pourquoi l'opposition crie au laxisme "En permettant aux délinquants de passer à côté de l'enfermement, on remet en cause l'équilibre des peines et le principe de la prison", s'inquiète le député UMP Jean-Frédéric Poisson, joint par francetv info. La contrainte pénale sera "interprétée comme un signal de faiblesse par les délinquants", renchérit le député UMP Georges Fenech, qui prédit une "recrudescence de l'insécurité que l'on observe quand les délinquants comprennent qu'ils ne risquent plus d'aller en prison".
Il y a un effet dissuasif de la peine : c’est donc un désarmement pénal avec cette #ReformeTaubira que je dénonce #DirectAN
— Eric Ciotti (@ECiotti) 27 Mai 2014
Comment le gouvernement se défend "La peine de prison n'est pas dissuasive et favorise la récidive", répond le ministère de la Justice, dans un argumentaire publié par Europe 1. Evoquant une meilleure efficacité des peines alternatives en matière de lutte contre la récidive (ce qui est difficilement démontrable), la Chancellerie rappelle surtout que le juge reste libre de prononcer une peine de prison. La contrainte pénale n'est qu'une nouvelle peine qui vient s'ajouter à la gamme des peines existantes.
Un enterrement : les peines plancher
Ce que dit le projet de loi Les dispositions prévoyant des peines minimales en cas de récidive ou de délits violents sont supprimées.
Pourquoi l'opposition crie au laxisme "En prévoyant un minimum de sanction pour certaines fautes, les peines plancher sont une garantie de cohérence du système des peines", estime l'UMP Jean-Frédéric Poisson, qui regrette le manque de "fermeté" du gouvernement. L'ancienne ministre de la Justice Rachida Dati, à l'origine de cette mesure phare de l'ère Sarkozy, défend, elle, ces peines "utiles et dissuasives".
Comment le gouvernement se défend Les peines plancher, de moins en moins prononcées, "n'ont eu aucun impact sur la prévention de la récidive" et "ont uniquement aggravé la surpopulation carcérale", indique le gouvernement dans son projet de loi. Leur suppression, promise en 2012 par le candidat François Hollande, était attendue par les magistrats.
Une volonté : les sorties de prison anticipées
Ce que dit le projet de loi Tout condamné à une peine inférieure à cinq ans devra, aux deux tiers de sa peine, bénéficier d'un examen de son dossier en vue d'une mesure de sortie "encadrée". Cette "libération sous contrainte" pourrait prendre la forme d'une semi-liberté, un placement sous surveillance électronique, un placement à l'extérieur ou une libération conditionnelle.
Pourquoi l'opposition crie au laxisme "Le projet de réforme pénale vise d'une part à éviter que les délinquants entrent en prison et d'autre part qu'ils en sortent au plus vite", résume le député UMP Georges Fenech sur son blog. Son collègue Jean-Frédéric Poisson redoute "des sanctions qui ne représenteraient plus rien", avec des libérations "à la moitié de la peine" qui seraient "difficiles à vivre pour les victimes d'agressions".
Comment le gouvernement se défend Il s'agit d'éviter les "sorties sèches" sans retour progressif à la liberté (80% des libérations actuellement), qui accroissent le risque de récidive, selon le gouvernement. Le projet de loi "n'institue pas un mécanisme de libération conditionnelle automatique mais instaure un examen obligatoire" de chaque situation, insistent Matignon et la garde des Sceaux. Libre ensuite aux juges de trancher.
Un coup de frein : les peines de prison aménagées
Ce que dit le projet de loi Les personnes condamnées à une peine d'un an de prison ou moins pourront bénéficier d'un aménagement de peine. Plutôt que d'aller en prison, elles pourront, en cas d'accord du juge, effectuer leur peine à l'extérieur (placement extérieur, surveillance électronique, etc.).
Pourquoi l'opposition ne crie pas, cette fois, au laxisme Aucune accusation de laxisme sur ce point, et pour cause : le projet de loi rend la législation plus sévère. Aujourd'hui, les condamnés à deux ans de prison ou moins (hors récidive) peuvent espérer un aménagement de peine.
Comment le gouvernement s'explique Le seuil des deux ans permettait "l'aménagement immédiat de lourdes peines et dénaturait par là-même le sens de la peine de prison", estiment Matignon et la place Vendôme, qui dénoncent également la lourdeur administrative et les délais de mise à exécution des peines aménagées.
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