Procès en appel des attentats de janvier 2015 : "Ce n'est pas un verdict qui va effacer du jour au lendemain" la "violence subie", témoigne Riss
Le directeur de la rédaction de Charlie Hebdo estime toutefois que ce second procès a permis de confirmer le rôle joué par Ali Riza Polat et Amar Ramdani dans les attaques terroristes.
"La violence qu'on a subie, on en garde une mémoire quasiment physique toute sa vie, ce n'est pas un verdict qui va l'effacer du jour au lendemain", réagit vendredi 21 octobre sur franceinfo Riss, directeur de la rédaction de Charlie Hebdo, après le procès en appel des attentats de janvier 2015. Ali Riza Polat et Amar Ramdani avaient fait appel de leurs premières condamnations.
>>> Qui sont les quatorze accusés du premier procès des attentats de janvier 2015 ?
Ali Riza Polat a été condamné jeudi en appel à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité des 17 assassinats perpétrés par les frères Saïd et Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly à la rédaction de Charlie Hebdo, à Montrouge et à l'Hyper Cacher. Il avait été condamné à 30 ans de réclusion en première instance. Amar Ramdani, ex-codétenu d'Amedy Coulibaly, a été condamné à 13 ans de réclusion criminelle assortie d'une peine de sûreté des deux tiers. Il avait été condamné à 18 ans de réclusion en première instance.
franceinfo : Comment réagissez-vous à l'annonce de ce verdict ?
Riss : C'est un verdict qui confirme, pour ce qui est de la culpabilité, leur rôle dans les attentats. C'est ça qui est important pour nous, c'est de savoir si oui ou non, leur rôle était bien celui qu'on avait compris en première instance. Au début du procès, on nous disait que l'enjeu c'était peut-être que certains des deux accusés soient acquittés, comme Amar Ramdani. C'était quand même un peu surréaliste de parler d'acquittement après tout ce qui a été dit et redit dans ce deuxième procès.
Comment avez-vous vécu ce second procès en appel ?
C'est éprouvant, d'abord, de suivre un procès, puis de témoigner parce qu'il faut tout revivre. Pour certaines parties civiles, c'était très dur de voir les armes. Ce sont des choses qui n'avaient pas été montrées en première instance. Donc, c'est toujours douloureux de reparler de tout ça.
Vous avez écrit "l'histoire judiciaire est terminée, pas celle des victimes". C'est une histoire qu'il faut écrire ?
La violence qu'on a vécue, qu'on a subie, on en garde une mémoire quasiment physique toute sa vie. Ce n'est pas un verdict qui va l'effacer du jour au lendemain. Donc, toutes les victimes de ce procès, comme d’autres attentats, vont devoir continuer à vivre avec ça. L'enjeu maintenant, c'est de vivre ensemble, peut-être de se rapprocher les uns les autres pour ne pas se sentir seul.
L'histoire des victimes est mal connue du grand public, selon vous, car il n'en a retenu que la sidération. Que voulez-vous dire ?
Les histoires personnelles, presque intimes, sont difficiles à dire parce que les victimes ont du mal à en parler. Mais quand on en parle entre nous, ce n'est pas non plus exactement ce qui se dit dans les médias. Dans les médias, on parle de la résonance de l'événement dans la société. Mais la vision personnelle est différente, elle est difficile à exprimer aussi.
Qu'attendez-vous des historiens ?
Avec ce volet judiciaire, on attendait que la justice nous dise le maximum de vérité. C'est vrai que c'est un événement qui fait partie de l'histoire de France. C'est un événement aussi qui va s'ancrer dans la mémoire historique, politique et collective. Il y a certainement d'autres formes aussi qui vont se mettre en place pour ancrer ça dans la mémoire collective et historique.
La semaine dernière, le Musée du terrorisme, pour l'instant virtuel, a choisi de ne pas publier les caricatures de Mahomet. Vous le regrettez ?
Je le regrette parce que c'est un peu aberrant de faire un mémorial pour des événements terroristes et de ne pas expliquer pourquoi. On est bien obligé de dire les choses et les montrer un minimum. À partir du moment où c'est un événement historique, on est obligé de restituer la totalité des événements. On ne peut pas faire un tri après coup, c'est quand même très, très gênant. Bien sûr, il y a toujours des gens quelque part dans le monde qui vont lancer des fatwas. Il y aura toujours des fanatiques qui trouveront une raison de déclarer des sentences de mort. Mais dans ces cas-là, il ne faut pas faire de musée pour parler de ces sujets-là, puisqu’on est au cœur du terrorisme avec ces projets de mort.
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