Que deviennent les personnes arrêtées pour préparation d'actes terroristes ?
Six hommes soupçonnés d'avoir fomenté des attentats ont été interpellés en Ile-de-France, lundi. Mais que se passe-t-il après ? L'analyse de Louis Caprioli, ancien des services de renseignement.
Le coup de filet antiterroriste réalisé en Ile-de-France, lundi 24 juin, s'inscrit dans une longue liste d'arrestations similaires, en France, notamment depuis le 11-Septembre. Depuis le début de l'année, 48 interpellations ont été effectuées par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) dans le cadre de la lutte antiterroriste. Dix-sept personnes ont été écrouées. En 2012, 78 personnes avaient été interpellées dans ce genre d'affaires, dont 21 écrouées.
Que deviennent ces terroristes présumés, une fois aux mains de la justice ? Réponses avec Louis Caprioli, ancien responsable de la lutte antiterroriste à la Direction de la surveillance du territoire (DST, devenue DCRI) et actuellement conseiller chez Geos, groupe de gestion et d'analyse des risques.
Francetv info : Sait-on combien de personnes préparant des actes terroristes ont été arrêtées, ces dix dernières années en France ?
Louis Caprioli : Depuis 2001, en moyenne, deux à trois réseaux terroristes sont neutralisés sur notre territoire, chaque année. Cela représente plusieurs centaines d'arrestations, et une centaine de condamnations. Les principaux suspects sont jugés pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste", et condamnés à six, sept ou huit ans de prison. En prenant en compte les remises de peine, ils ressortent généralement deux ou trois ans après le procès, soit quatre ou cinq ans après leur arrestation. La peine est toutefois plus lourde pour les dirigeants de ces groupes.
Dans certains cas, le ministre de l'Intérieur ou la justice peuvent décider d'expulser les suspects, s'ils n'ont pas la nationalité française. Une décision qui pose parfois problème, puisque leur vie risque d'être mise en danger dans leur pays d'origine (l'Algérie, la Libye, le Maroc, la Syrie, la Jordanie). Ils sont alors assignés à résidence en France. Plusieurs dizaines de personnes sont dans ce cas, cette année.
Que se passe-t-il une fois les condamnés sortis de prison ?
Les anciens détenus font souvent l'objet d'un suivi par la police judiciaire ou la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Si la plupart ne basculent pas dans le terrorisme, certains, qui se sont radicalisés en prison, reprennent leurs activités. De militants, ils deviennent des leaders et n'hésitent pas à se déplacer dans des zones de jihad (Pakistan, Mali) ou à créer des cellules.
La DCRI ne s'occupe pas des éléments de droit commun. Généralement, c'est donc la police qui est chargée de suivre les anciens détenus. En Ile-de-France, le Service régional de police judiciaire (SRPJ) dispose, à Nanterre, d'une sous-direction chargée du terrorisme. Si la police découvre qu'un ancien détenu projette de commettre un acte terroriste, elle transmet cette information aux autorités compétentes.
Tous les anciens détenus sont donc sous surveillance ?
Pas forcément. Mettre une personne sur écoute nécessite de mobiliser une équipe importante, d'une dizaine de personnes environ, 24 heures sur 24. Le cycle devient vite démentiel. Donc, parfois, les services sont obligés de faire des impasses.
Par exemple, en 2004, un Français combattant en Syrie au nom du jihad, Saïd Arif, a été extradé de ce pays vers la France, où il avait notamment projeté, quatre ans plus tôt, de commettre des attentats sur le marché de Noël de Strasbourg. Il a été condamné en 2007, puis assigné à résidence en janvier 2012. Saïd Arif, qui n'était plus sous surveillance de la DCRI, a disparu au printemps. Actuellement, on ne sait pas où il est. On pense juste qu'il a quitté la France.
Les individus interpellés lundi sont des délinquants de droit commun. Est-ce une particularité fréquente ?
Le terrorisme emprunte différents chemins, et la criminalité est effectivement l'un de ces chemins. Pour certaines personnes, purger une peine derrière les barreaux peut se révéler criminogène : la prison constitue une sorte de label et permet de se faire des contacts. C'est un risque avéré, mais il n'existe pas d'alternative à la détention.
L'administration pénitentiaire, à travers les différents relais dont elle dispose, peut être témoin d'un changement de comportement chez un détenu, quand celui-ci demande par exemple de faire le jeûne, de prier tous les jours ou de manger halal, ce qu'il ne faisait pas auparavant. Evidemment, que l'un d'eux devienne religieux ne constitue pas un danger en soi. Mais c'est un signe. Pour certains délinquants, basculer dans le combat jihadiste est une façon de légitimer leur engagement criminel.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.