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Refus du statut de "mère" pour une femme transgenre : "C'est insupportable", dénonce son avocate

"C'est horriblement décevant parce que même l'avis de l'avocate générale était pour la reconnaissance de cette double filiation maternelle", déplore Maître Clélia Richard, l'avocate de Claire, mercredi 16 septembre sur franceinfo.

Article rédigé par franceinfo
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L'avocate Clélia Richard au Palais de justice de Paris le mercredi 16 septembre 2020. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Le rejet par la Cour de Cassation du statut de "mère" à une femme transgenre est "insupportable" et "horriblement décevant", a déclaré mercredi 16 septembre sur franceinfo Maître Clélia Richard, l'avocate qui défend la femme transgenre réclamant le statue de mère sans avoir à passer par l'adoption. "Il va bien falloir quand même qu'on envisage comment on établit l'état civil de ces enfants qui ont bien deux parents", insiste l'avocate.

franceinfo : La Cour de cassation vient de rejeter la demande de votre cliente Claire, née dans un corps d'homme qui demandait à être reconnue comme mère de l'enfant qu'elle a conçue après sa transition. Comment la Cour justifie-t-elle ce refus ?

Maître Clélia Richard : C'est difficile de vous l'expliquer, c'est un arrêt assez long et qui demande de l'analyse. Ce que je peux vous dire, c'est que ma cliente, en l'état de la décision de la Cour, n'est pas la mère de son enfant : soit elle est la mère par l'adoption de l'enfant du conjoint, hypothèse qui avait été écartée depuis l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier et qui faisait consensus sur le fait qu'on ne peut pas adopter son propre enfant ; soit elle est éventuellement le père. Mais enfin, finalement, on ne décide pas et on renvoie devant la Cour d'appel de Toulouse. Il n'y a qu'un seul parent sur l'acte de naissance de la fille de ma cliente.

C'est insupportable d'attendre encore un an et demi ou deux ans pour obtenir une décision devant la Cour d'appel de Toulouse, en plus avec des directives très claires faites de la Cour de cassation pour avoir la filiation établie. C'est horriblement décevant parce que même l'avis de l'avocate générale était pour la reconnaissance de cette double filiation maternelle. Ça veut dire qu'on a des magistrats à la première chambre civile qui sont moins progressistes et moins en accord avec les droits fondamentaux que leurs avocats généraux.

Votre cliente envisage-t-elle finalement d'engager une procédure d'adoption ?

Nous n'en avons pas parlé depuis le rendu de l'arrêt. Mais je pense qu'elle restera cohérente avec son épouse. D'abord, on ne sait même pas si cette adoption serait recevable, j'ai eu moi-même des rejets de requêtes en adoption de l'enfant du conjoint en me disant : on n'adopte pas son propre enfant, ça n'existe pas dans notre droit. Là, il n'y a pas de remise en question du lien biologique entre ma cliente et sa fille. Donc, on ne voit pas pourquoi, au regard de ce que je viens de dire, on accepterait l'adoption pour ma cliente.

Qu'est-ce que cette décision de la Cour de cassation implique au niveau de la filiation entre cette petite fille née en 2014 et votre cliente ?

Si ma cliente meurt demain, la succession, la dévolution des biens ne sera faite qu'aux deux premiers enfants, puisqu'elle n'est pas reconnue parent [de ce troisième enfant], ni père, ni mère, ni parent biologique en l'état. Là, aujourd'hui, il n'y a pas de lien de filiation reconnue. Mes clientes sont mariées depuis 1999, elles s'aiment, elles ont une vie de famille harmonieuse, etc. Mais imaginons qu'il y ait une séparation, ma cliente n'a pas l'autorité parentale vis à vis de sa fille. Il faut trouver une solution pour protéger cet enfant.

Et il y a d'autres enfants dans cette situation, il y en a qui sont nés, il y a d'autres enfants à naître. On attendait quand même de la première chambre civile des solutions pour pouvoir concrètement pallier le silence législatif concernant ces enfants dont personne ne se préoccupe. Il va bien falloir quand même qu'on envisage comment on établit l'état civil de ces enfants qui ont bien deux parents.

Dans une précédente décision, le tribunal de grande instance de Montpellier avait dit dans un premier temps que votre cliente devait assumer les conséquences de son changement. Qu'est-ce que ça vous inspire ?

De la transphobie. Je pense que les personnes qui marquent ça noir sur blanc dans des décisions de justice, ou qui reprennent ces propos n'ont pas compris que c'était un parcours trans-identitaire. Ils n'ont pas compris ce que c'était que de se sentir appartenir à un sexe depuis qu'on est né et habiter le corps du sexe opposé. C'est méconnaître aussi deux décennies de jurisprudence sur ce sujet-là, pas seulement de la Cour européenne des droits de l'homme, notre Cour de cassation a statué aussi maintes fois, et il y a beaucoup de littérature en la matière. Franchement, je trouve que c'est d'un autre temps.

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