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Terrorisme : cinq hommes dénoncent la déchéance de leur nationalité française

Dix jours après l'annonce de leur déchéance de la nationalité française par Bernard Cazeneuve, cinq hommes et leurs avocats ont organisé jeudi soir une conférence de presse pour protester contre cette décision.
Article rédigé par Sophie Parmentier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Cinq français déchus de leur nationalité ont décidé de contre-attaquer © MaxPPP)

C'est dans le cabinet d'un médiatique avocat parisien, William Bourdon, que ces cinq hommes, cinq amis et pères de famille, sont venus dénoncer la déchéance de leur nationalité française. Cette nationalité, ils l'ont acquise à l'adolescence pour certains, vers 25 ans pour d'autres. Ils disent qu'ils ne comprennent pas pourquoi le gouvernement vient de leur retirer. D'autant qu'ils estiment avoir déjà payé une dette à la société, en purgeant leur peine de prison pour des liens avec le GICM, le Groupement Islamique des Combattants, proche d'Al Qaïda et jugé responsable des attentats de Casablanca, qui avaient fait 45 morts, dont trois Français, en 2003.

Ils estiment avoir "payé leur dette " à la société

L'un des cinq amis, barbe courte et chemise à carreaux bien repassée, précise que leur procès, en 2007, et les peines de six à huit ans de prison auxquelles ils avaient été condamnés, lui semblaient "injustes". Les cinq hommes assurent qu'à l'époque, ils avaient été dénoncés à tort, notamment par un ancien imam de Mantes-la-Jolie (Yvelines), qui les avait accusés de faire  partie d’une cellule dormante du GICM. "Cet imam, expulsé depuis au Maroc, les a dénoncés sous la torture et ce qu’il a dit est faux" , plaident maîtres Spitzer et Bourdon, les deux avocats de ces cinq hommes.

"On se battra" promettent les déchus

Ces cinq hommes sont âgés de 38 à 41 ans. Ils se présentent comme cinq bons pères de famille "rangés et réinsérés". Ils disent tous qu'ils travaillent depuis leur sortie de détention : l'un est électricien, un autre vendeur, un troisième, technicien de maintenance, et les deux derniers vendent des voyages dans la même agence. Tous leurs enfants sont nés Français. Les cinq déchus se disent aujourd'hui victimes d'une "double peine". "Nous sommes des citoyens bien intégrés. On ne trouve pas ça normal de vouloir nous jeter après plusieurs années. Nous on est des enfants de la France, moi je suis en France depuis l'âge de un an. Je pense que le Ministre de l'Intérieur fait faux bond. Quoiqu'il en soit, on se battra", assure celui des cinq déchus qui s'exprime anonymement, au nom de tous les autres.

La bataille de ces cinq hommes a donc notamment commencé avec maître William Bourdon, qui dénonce des déchéances "scandaleuses",  une "décision politique démagogique" . "La tétanisation d'une partie de l'opinion publique fait que cela devient scandaleux de dire que ces jeunes gens ne sont pas des terroristes. Mais ils sont otages d'un calendrier politique" , s'emporte William Bourdon. Pour lui, "il n'y a aucun élément qui puisse justifier que depuis leur liberté, ces jeunes gens auraient pu avoir des proximités coupables" . Le fait que le nom de l'un d'eux, Rachid Aït El Haj, apparaisse dans les investigations sur l'affaire Sid Ahmed Ghlam, vient "du venin des services français" , tempête l'avocat. Rachid Aït El Haj fréquentait notamment la "crêperie", autour de laquelle gravitaient trois des mis en examen dans l'affaire Ghlam -soupçonné d'avoir voulu attaquer au moins une église à Villejuif. L'intéressé affirme qu'il n'a rien à avoir avec cette affaire. William Bourdon appelle Bernard Cazeneuve à "ne pas céder à la dictature de l'émotion. Il en appelle solennellement aux autorités françaises pour ne pas éxécuter ce qui a été décidé dans la précipitation".

La décision d'expulsion en suspens

Au ministère de l'Intérieur, on répète que ces déchéances ne sont qu'une application de l'article 25 du Code Civil. Sur la question de l'expulsion de ces cinq hommes, qui risquent d'être expulsés au Maroc pour quatre d'entre eux ou en Turquie pour le dernier, aucune décision n'a encore été prise. Et rien ne sera décidé avant que les avocats des déchus ne déposent un recours devant le Conseil d'Etat. Ils ont deux mois pour le faire.

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