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Un site web pour défendre la présomption d'innocence

Deux étudiants en droit ont lancé ce jeudi un site internet d'un genre nouveau. Baptisé "présumé innocent", il donne la parole à "ceux qui sont publiquement accusés", pour rétablir leur présomption d'innocence. Un principe souvent bafoué dans les médias, selon les initiateurs du projet.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Capture d'écran presumeinnocent.com)

"Je le proclame
solennellement : je n'ai rien à faire dans cette affaire !
" clame Loïk
Le Floch-Prigent. Pour la première fois depuis son arrestation le 15 septembre
dernier, l'ancien président d'Elf-Aquitaine s'exprime sur l'affaire
d'escroquerie dans laquelle il est mis en cause. A 69 ans, il clame son
innocence, et avance des faits qui, selon lui, prouvent qu'il n'est pas
coupable.

Cette tribune libre a été
publiée ce jeudi matin sur un nouveau site internet, "Présumé
innocent". La profession de foi de ce site est signée d'un nom bien connu
de la justice française, Me Hervé Temime, qui a défendu – entre autres – Roman
Polanski, François-Marie Banier, et encore actuellement Jacques Servier : 

"Il n'est pas
nécessaire d'être poursuivi judiciairement, voire même qu'une infraction ait
été commise, pour être cloué au pilori médiatique. Tout le monde juge tout le
monde, tout le temps, tout de suite, de préférence sans savoir de quoi il est
vraiment question et avec une légèreté et une bonne conscience effrayantes
".

Si Hervé Temime est le
parrain de ce nouveau site, ce sont en fait deux étudiants de l'école de droit
de Sciences Po, Lucas Sebban et Aaron Bass, qui ont mené et développé le
projet, jusqu'à sa mise en ligne ce jeudi. L'objectif : permettre à ceux qui
sont mis en cause dans une affaire judiciaire "de publier une tribune
libre dans laquelle elles vont présenter et exposer leurs arguments de défense
",
explique Lucas Sebban, co-fondateur.

Qu'est-ce que la
présomption d'innocence ?

Dans la ligne de mire de
ces deux jeunes créateurs et de leur parrain, donc, un défaut de présomption
d'innocence constant dans la société et le paysage médiatique. La présomption
d'innocence, selon la Déclaration des droits de l'Homme de 1948, stipule que "Toute
personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa
culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public
".

Du point de vue légal, depuis
la loi du 15 juin 2000, "chacun a droit au respect de la présomption
d'innocence
" selon l'article 9-1 du code civil. Il est possible de faire
appel à la justice pour faire respecter sa présomption d'innocence, comme
l'explique Maître Eolas, avocat, connu pour son blog et
:

En France, l'atteinte à la
présomption d'innocence est donc punie par la loi. Plusieurs condamnations ont
été prononcées, comme le 17 décembre dernier à l'encontre d'Arnaud Montebourg,
qui avait évoqué la "complicité " du sénateur PS Jean-Noël
Guérini dans l'affaire visant son frère Alexandre Guérini. La question est
aussi évoquée régulièrement par les commentateurs de l'affaire visant Jérôme
Cahuzac
. Mais ces procédures en référé peuvent parfois être longues, et
intervenir plusieurs semaines, voire plusieurs mois, après que les propos ont
été tenus.

Un principe bafoué ?

En outre, la loi de 1881
sur la liberté de la presse
prévoit la possibilité d'un droit de réponse, dans
la presse, pour toute personne estimant avoir été présentée comme coupable.
Mais selon Maître Eolas, l'emballement médiatique peut provoquer une surenchère
dans les propos tenus.

Pour l'avocat Eric
Dupont-Moretti
, interrogé par les équipes de "Présumé Innocent",
"quand on regarde les gens comme des coupables, ils ont des gueules de
coupables. Toutes les attitudes que l'on va chercher chez eux deviennent
rattachables aux faits qu'on leur reproche
" :

Un site à vocation
didactique

Les créateurs de Présumé
Innocent affirment déjà disposer d'autres tribunes libres à mettre en ligne,
mais affirment ne pas vouloir faire "la course aux tribunes "
et privilégier "un travail de sélection et de qualité ", selon
Lucas Sebban. Car leur démarche est sensible d'un point de vue juridique : en
tant qu'éditeurs de contenus, les créateurs du site, qui sont également
directeurs de la publication, engagent leur responsabilité pénale en cas de
débordement. Concrètement, si un texte publié brise le secret de l'instruction
ou comporte des propos diffamatoires, les deux jeunes étudiants peuvent en être
tenus pour responsables.

Le site présente enfin
d'autres rubriques, telles que des entretiens avec des spécialistes du droit,
ou encore un lexique des termes judiciaires. Une volonté de faciliter la
compréhension du monde des procès.

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