La France a-t-elle un taux de fécondité élevé parce que les immigrées font beaucoup d'enfants ?
Une publication de l'Institut national d'études démographiques (Ined) confirme que les "immigrées" font plus d'enfants que les "natives". Mais ces mères étant minoritaires dans la population nationale, ces naissances pèsent peu sur la fécondité française.
C'est l'un des arguments favoris des partisans du "grand remplacement", popularisé par l'écrivain d'extrême droite Renaud Camus. Selon les défenseurs de cette théorie aux relents racistes, xénophobes et complotistes, les populations immigrées, non blanches et majoritairement musulmanes supplanteraient peu à peu les populations européennes, blanches et chrétiennes, en faisant plus d'enfants.
Une étude, parue dans le numéro de juillet-août de la revue Population & Sociétés, éditée par l'Institut national d'études démographiques (Ined), aborde d'un point de vue factuel et scientifique cette question ô combien polémique : "La France a la plus forte fécondité d’Europe. Est-ce dû aux immigrées ?" En préambule, les auteurs préviennent : "Laissons de côté les aspects idéologiques pour nous limiter aux faits."
Moins de deux bébés sur dix naissent d'une mère immigrée
L'étude de l'Ined compare les naissances provenant d'une mère "immigrée" – c'est-à-dire née étrangère à l’étranger et résidant en France, même si elle acquiert la nationalité française après son arrivée, selon la définition retenue par l'ONU – ou "native", autrement dit née française.
En 2009, les enfants nés d'une mère immigrée représentaient 16% des naissances, contre 84% pour ceux nés d'une mère native, selon les statistiques de l'Insee, reproduites dans la publication. En 2017, selon des données provisoires, les bébés de mamans immigrées totalisaient 18,8% des naissances et ceux de natives 81,2%. En huit ans, la part des nouveau-nés issus de mères immigrées a donc augmenté de 2,8 points. "La contribution des immigrées à la natalité de la France progresse donc et mérite d’être soulignée", estiment les auteurs de l'étude.
Une femme immigrée a en moyenne 0,8 enfant de plus
En 2017, les femmes immigrées avaient en moyenne 2,6 enfants, contre 1,8 pour les natives, soit 0,8 enfant de plus, toujours selon les données de l'Insee obtenues grâce au recensement de la population. Mais en 2014, ces chiffres étaient respectivement de 2,8 et 1,9. La fécondité a donc reculé chez les femmes immigrées comme chez les femmes natives.
"La fécondité des immigrées varie selon le pays de naissance", précise l'étude. Les immigrées originaires du Maghreb ont le taux de fécondité le plus élevé, avec environ 3,5 enfants par femme. Celles nées en Afrique subsaharienne ont 2,9 enfants en moyenne. Quant aux immigrées européennes, elles ont en moyenne environ 2 enfants.
"Ces niveaux de fécondité ne reflètent pas nécessairement ceux des pays d'origine", observe l'étude. Les immigrées européennes ont une fécondité supérieure à celle de leur nation d’origine. A l’inverse, les immigrées venues d’Afrique subsaharienne ont une fécondité bien inférieure à celle de leur pays natal. En outre, quand les filles d'immigrées nées en France deviennent femmes, elles ont une fécondité similaire à celle des natives, constate l'étude de l'Ined.
L'apport des immigrées à la fécondité française est très marginal
En 2017, la France affichait le taux de fécondité le plus élevé de l'Union européenne, avec 1,9 enfant par femme, loin devant la moyenne de l'UE (1,6) et tout près du seuil de renouvellement des générations (2,1). Les immigrées faisaient certes 2,6 enfants en moyenne, contre 1,8 pour les natives, mais elles ne représentaient que 12% des femmes en âge d'avoir des enfants. Ce "surcroît" de fécondité de 0,8 enfant ne concernait donc qu'une minorité. D'après les calculs de l'Ined, il a augmenté de 0,1 enfant le taux de fécondité national, le faisant passer de 1,8 à 1,9 enfant par femme. Un chiffre très marginal, donc.
"Pour que les immigrées contribuent fortement au taux de fécondité et pas seulement aux naissances, il faut à la fois qu'elles représentent une fraction importante des mères et que leur fécondité soit très supérieure à la moyenne", soulignent les auteurs de l'étude.
Comme ils le rappellent, cette idée "très répandue" que la fécondité de la France est "gonflée" par l'immigration "traduit souvent la hantise d'un rapport de force numérique entre les natifs de France et les immigrés, qui mettrait en péril l'identité nationale".
Conclusions de leur publication : "L'immigration contribue fortement aux naissances mais faiblement au taux de fécondité." "Si la France est aux premiers rangs des taux de fécondité en Europe, cela ne vient donc pas tant de l'immigration que d'une fécondité élevée des natives", écrivent-ils. "Immigration ou pas, la fécondité de la France reste l'une des plus élevées d'Europe."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.