Témoignages "Pourquoi faire une loi, comme une espèce de tutelle ?" : l'appel des parents de Charlie aux sénateurs avant l'étude de la proposition de loi sur les transitions de genre chez les mineurs

Avant des débats qui s'annoncent tendus au Sénat, franceinfo a donné la parole à une famille : Charlie, 17 ans, et ses parents, qui habitent en région parisienne.
Article rédigé par franceinfo
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Charlie, 17 ans, et ses parents dénoncent la proposition de loi examinée le 28 mai 2024 au Sénat. Photo d'illustration (JASMIN MERDAN / MOMENT RF)

C'est une proposition de loi qui suscite la controverse. Le Sénat examine mardi 28 mai un texte visant à encadrer les transitions de genre avant l'âge de 18 ans, une initiative des Républicains farouchement condamnée par la gauche et des associations.

Les débats s'annoncent très agités sur une proposition de loi particulièrement ciblée depuis plusieurs semaines par les associations de défense des droits des personnes transgenres. Au Palais du Luxembourg, où la majorité penche à droite, cette initiative a également suscité de vives réactions, tant sur le fond que sur la méthode. Ce texte, déposé en mars et très rapidement inscrit à l'ordre du jour, émane en effet des conclusions d'un rapport sénatorial rédigé en interne au sein du groupe Les Républicains et que beaucoup à gauche ont qualifié de "transphobe".

Concrètement, ce texte de la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio prévoit notamment l'interdiction pour les mineurs des traitements hormonaux, et le contrôle strict des prescriptions de "bloqueurs de puberté", ces molécules qui permettent de suspendre le développement des caractères sexuels secondaires (poitrine, voix, pilosité) relevant du genre auquel l'enfant ne s'identifie pas.

"Le problème n'est pas la transidentité, mais la transphobie"

Franceinfo a choisi de donner la parole en longueur aux principaux concernés : il s'agit de Charlie, 17 ans, qui a débuté sa transition, et ses parents, Marina et Emmanuel. Ils vivent en région parisienne. mes 11 ans, j'ai parlé de questionnement sur ma sexualité à mes parents, et mon genre, j'en ai parlé à mes 13 ans", raconte-t-il, avant de confier qu'à cette période-là, il n'allait pas bien : "Il y avait du harcèlement de la part des autres élèves, mais aussi des adultes", décrit Charlie.

"Aujourd'hui, je vais très bien, sourit-il, après avoir commencé son parcours médical à 16 ans et demi et accompagné par un psychologue depuis ses 11 ans. "Je n'ai pratiquement plus de dysphorie de genre. Quand j'en avais, je n'arrivais plus à me doucher, je ne voulais plus voir mon corps".

"La différence, ça pose un problème, surtout à cet âge-là."

Charlie

à franceinfo

Les parents l'avouent : d'un prime abord, ils ont été "effrayés" de la démarche de leur enfant. "J'avais d'un seul coup plein de préjugés, tels que 'je vais souffrir', 'je vais devoir faire le deuil de mon enfant', 'on va mutiler mon enfant…' Mais avec une certitude : mon enfant n'a pas choisi, il est né comme ça. Et puis, j'ai commencé à me documenter et à déconstruire. En fait, au fur et à mesure, tous ces a priori sont tombés", raconte Marina. "Le problème pour Charlie, ce n'est pas la transidentité, mais la transphobie", dénonce-t-elle, avant d'évoquer le parcours médical et son "délai d'attente de 18 mois", puis des rendez-vous chez différents spécialistes de santé.

Emmanuel et Marina lancent un appel aux députés avant l'étude de cette proposition de texte au Sénat : "Pourquoi faire une loi, comme une espèce de tutelle ? En fait, ça veut dire 'Tu ne sais pas ce qui est bon pour toi. Vous, parents, vous ne savez pas. Vous, médecins, vous n'avez pas la connaissance' ? Mais nous, dans l'Hémicycle, nous savons !", dénonce la maman au micro de franceinfo.

"Avant de voter, écoutez-nous et essayez, au moins, de vous renseigner. (…) C'est un parcours long, qui demande beaucoup d'endurance et de détermination et qui peut détruire. On a l'impression parfois de ne pas être écouté (…) J'aimerais bien qu'on me traite juste comme un garçon classique, et qu'on oublie tout ça. C'est la transidentité qui fait partie de moi et pas moi qui fait partie de la transidentité. Ça, j'aimerais qu'on le comprenne", demande pour sa part Charlie. Et son papa de glisser : "Je suis fier de lui, fier ce qu'il est et de l'avoir retrouvé".

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