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Mariage pour tous : le débat à l'Assemblée se termine en pugilat

Hémicycle clairsemé au deuxième jour de l'examen du projet de loi sur le mariage pour tous. Mais la désaffection des bancs n'a pas empêché les échanges musclés entre majorité et opposition. Dans la nuit, les députés en sont presque venus aux mains : Claude Bartolone va demander des sanctions. Retour sur les dernières heures de ce débat, qui s'est achevé en tout début de matinée. Le vote sur la loi aura lieu mardi.
Article rédigé par Cécile Quéguiner
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (Maxppp)

Acte I : "Un mauvais western spaghetti ! "

Jeudi matin, lendemain de manifestations et de violences homophobes, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, lance en réponse à plusieurs déclarations de l'opposition : "Ça ressemble assez à un scénario de western, de la catégorie des westerns spaghetti des années 70 ". 

Réponse outrée de Guillaume Larrivé, le député UMP de l'Yonne : "Nous ne sommes pas des indiens combattant des cowboys, les millions de Français qui s'expriment dans la rue ne méritent pas d'être traités comme cela ". Ambiance survoltée, dans un hémicycle pourtant quasi vide.

Acte II : "Vous assassinez des enfants "

Quelques minutes plus tard, feu aux poudres. Philippe Cochet, député UMP du Rhône : "Ce que vous êtes en train de faire est une brèche qui ne se refermera pas si ce texte passe  [...] Et bien moi je vous accuse mesdames et messieurs de la gauche [...] Vous êtes en train d'assassiner des enfants ! "

Réaction immédiate de Claude Bartolone, le président de l'Assemblée, qui enjoint les députés à faire attention "aux mots employés  [...]  l y a des choses qui ne sont pas supportables ". Et de suspendre la séance "cinq minutes ". 

Puis à la reprise des débats, Philippe Cochet revient sur ses propos, reconnaissant que "le terme n'était pas approprié ". Insuffisant, pour le socialiste Bernard Roman, qui regrette que le groupe UMP n'ait pas fermement condamné ses mots. D'autant que sur le fond, Philippe Cochet persiste : "Le mal reste le même, c'est la fragilisation des enfants et des vies brisées ". 

Acte III : "*Caprices de bobos * "

"Hypocrisie ", "logique narcissique ", "caprice de bobos ". Après les écarts de la matinée et alors que la majorité se tait, ou presque, laissant son temps de parole à la seule Christiane Taubira, l'opposition présente, incarnée par son aile la plus droitiste, se succède au micro, pour profiter des dernières heures de temps de parole qu'il lui reste et répéter, comme l'UMP Marc Le Fur : "Le mariage, c'est un homme et une femme, tout le monde le sait, la civilisation le sait ". Et Philippe Meunier d'embrayer : "Vous voulez satisfaire des caprices de bobos ".  

Dans un communiqué, le président du groupe PS, Bruno Le Roux, s'inquiète que "l'opposition au mariage pour tous prenne une forme inquiétante pour la qualité du débat démocratique ".

Acte IV : "Créer un homme nouveau "

C'est la ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti, qui provoque cette fois l'ire de l'UMP. La ministre déclare qu'"on peut se mettre d'accord que, pour avoir un enfant, il faut un géniteur et une génitrice ", mais qu'"il ne suffit pas d'accoucher pour devenir mère ". 

Réaction du député Nicolas Dhuicq : "Vous allez faire ce rêve fou que tous les systèmes totalitaires ont, grâce à Dieu, échoué à mettre en place : créer un homme nouveau ". Le député de la Drôme, Hervé Mariton, poursuit : "C'est l'accouchement qui fait la mère [...] Vous voulez nier la nature ". 

Acte V : "Ringards " et "neuneu "

Offusqués sont les députés UMP de s'être vus qualifiés de "ringards ", voire "neuneu ", du fond de l'hémicycle. "Entre ces hurlements de 'ringards' sur ce qui constitue la base de millions de couples français et une vision futuriste, nous nous demandons où nous sommes ", a lâché le député-maire de Versailles, François de Mazières. 

Acte VI : "Mais qui vous interdit de micro ? "

Depuis le début de la journée, mutisme côté majorité. Pas un député socialiste pour prendre officiellement la parole (hormis hors micro), histoire que leurs adversaires UMP épuisent leur temps de parole, et que le débat se termine dans la nuit.

Christian Jacob, le président de groupe UMP, exaspéré manifestement de ne rencontrer aucune résistance, s'adresse aux bancs socialistes : "Mais qui vous interdit de micro, c'est une consigne de groupe ? Mais dans quel groupe êtes-vous ? Défendez vos électeurs, prenez le micro ! " Et d'invectiver M. Emmanuelli : "Comme un petit garçon vous baissez la tête ! Qu'on vous entende !

Pendant ce temps, à l'extérieur de l'Assemblée nationale, les opposants au projet de loi s'étaient à nouveau donnés rendez-vous pour manifester. Ils étaient entre 2.600 et 6.000; selon les chiffres de la police ou des organisateurs. Quelques incidents ont eu lieu au moment de la dispersion ; selon la préfecture de police, 74 personnes ont été interpellées.

Acte VII : quasi-bagarre dans l'hémicycle

Le gros incident de séance qui menaçait depuis quelques minutes arrive aux alentours d'une heure du matin. Marc Le Fur, député UMP, interpelle le gouvernement. Apparemment, un fonctionnaire ministériel affiche un sourire moqueur : l'opposition se lève, descend et réclame des comptes à grand renfort de gestes véhéments et de cris. On n'est pas loin de la violence physique. Séance suspendue après cette scène de violence rarissime dans l'hémicycle.

Quelques minutes plus tard, les députés reviennent s'asseoir. Le président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone annonce, très remonté, que le débat va se poursuivre. Avant une nouvelle suspension de séance. Puis une nouvelle reprise.

Vendredi matin, Claude Bartolone annonce qu'il va demander des sanctions contre les élus UMP qui en sont quasiment venus aux mains.

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