L'arrêt de trois réacteurs nucléaires est "une conséquence de la perte de la maîtrise technique" du parc français, selon un expert
Cet arrêt est la conséquence d'un "défaut de contrôle technique plutôt qu'une question de vieillesse du parc", estime Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting.
L'arrêt de trois réacteurs nucléaires supplémentaires est "une conséquence de la perte de maîtrise technique" du parc français, a expliqué mardi 8 février sur franceinfo Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting, alors qu'EDF a pris cette décision pour vérifier la présence d'éventuels problèmes de corrosion. Ces arrêts sont programmés à partir du 19 février, 26 mars et 9 avril. Cet évènement est "sérieux" pour Nicolas Goldberg, car si l'on arrête "une grande partie du parc nucléaire", il faudrait "arbitrer entre la sûreté du nucléaire et la sécurité de l'approvisionnement". Politiquement, "cela n'intervient pas au bon moment", souligne par ailleurs l'expert.
franceinfo : Est-ce que la France peut être confrontée à une pénurie d'électricité cet hiver ?
Nicolas Goldberg : Pour cet hiver, c'est peu probable parce que l'on a une météo qui est clémente. En revanche, je me poserais la question pour l'hiver prochain. On savait que l'hiver prochain serait tendu. Là, on accumule les mauvaises nouvelles qui vont de plus en plus loin dans l'année. Donc, pour cet hiver, on a toujours une situation de vigilance. Mais les coupures ciblées ne sont pas l'événement le plus probable. Par contre, l'hiver prochain, cela risque d'être compliqué. Depuis la crise sanitaire, on repousse un petit peu le tas de sable chaque année. On a en plus ce problème de corrosion sur certains réacteurs qui n'était pas prévu, qui est arrivé mi-décembre, et qui fait qu'on accumule une dette technique sur le parc nucléaire.
L'Autorité de sureté nucléaire qualifie le problème de corrosion d'évènement sérieux. Est-ce que cela signifie qu'il y a une menace de sécurité ou est-ce parce que cela peut nécessiter un arrêt prolongé ou définitif des centrales ?
C'est un événement sérieux parce que les circuits qui sont touchés, ce sont des circuits qui servent à annuler les conséquences d'un potentiel accident. Ce n'est pas ce qui sert à faire fonctionner le réacteur, mais c'est ce qui sert à le noyer si jamais le cœur du réacteur fond. C'est un outil de sûreté essentiel. Et par contre, c'est vraiment sérieux parce que si l'on retrouve cela sur une grande partie du parc nucléaire, cela veut dire que l'on pourrait arrêter une grande partie du parc nucléaire et qu'il faudrait arbitrer entre la sûreté du nucléaire et la sécurité de l'approvisionnement.
Est-ce que c'est la conséquence du vieillissement du parc nucléaire français ?
Non, ce n'est pas tellement la conséquence du vieillissement. C'est plutôt une conséquence de la perte de maîtrise technique. Puisque les premiers réacteurs sur lesquels on a trouvé ces problèmes, ce sont les réacteurs les plus jeunes dans le parc. Ce sont des réacteurs qui ont à peine 20 ans. On peut les trouver sur d'autres réacteurs qui sont plus vieux. Mais je dirais que c'est plutôt un défaut de contrôle technique, plutôt qu'une question de vieillesse du parc. Il y a toute une filière à remonter, pour reconstituer les compétences, l'écosystème de prestataires, les relations entre EDF et l'ASN. On l'avait bien vue avec Flamanville. Là, ce qui interroge un peu plus, c'est la capacité à maintenir une base installée dans des conditions de sûreté satisfaisantes. Mais effectivement, politiquement, cela n'intervient pas en bon moment. Il n'y avait pas de toute façon pas de bon moment pour faire ça. Mais là, au moment où l'on annonce relancer une filière, c'est clair que ça ne vient pas au bon moment.
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