Nucléaire : trois questions (centrales) sur la relance de l'atome voulue par la France
"La logique, c'est d'avoir plus de nucléaire et plus d'énergies renouvelables." Invitée de franceinfo mercredi 1er mars, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a confirmé la relance du nucléaire en France, après un hiver compliqué pour la filière. Alors que celle-ci était vouée à ralentir la cadence sous l'impulsion de la politique menée lors du quinquennat de François Hollande, le gouvernement a décidé de remettre l'atome au centre de son mix énergétique. Un projet de loi favorisant la construction de nouveaux réacteurs nucléaires est d'ailleurs en discussion à l'Assemblée depuis mercredi.
La France a même embarqué dix autres pays européens dans cette démarche. Où en est donc la filière aujourd'hui ? Quelles sont les prochaines étapes de ce développement ? Franceinfo revient en trois questions sur cette relance.
1 Où en est la production d'électricité d'origine nucléaire ?
Le nucléaire occupe une place de choix dans le mix énergétique français. En 2021, il représentait un peu plus de 75% de la production d'énergie primaire en France, selon le ministère de la Transition énergétique. L'hiver 2022 a toutefois vu les capacités de la filière chuter, notamment à cause de travaux de maintenance ou de problèmes de fissures dans les installations. "Au cours de l'année 2022, la disponibilité du parc nucléaire a été systématiquement inférieure à l'historique des dernières années (54% sur les douze derniers mois contre 73% en moyenne sur la période d'avant crise 2014-2019), conduisant à un niveau de production (...) au plus bas depuis 1988", note un rapport (document PDF) du Réseau de transport d'électricité (RTE). Résultat : la France a dû importer de l'électricité, mais aussi du gaz.
Si certains réacteurs ont depuis redémarré, tous n'ont pas été remis en service. Au 28 février, 18 réacteurs étaient toujours à l'arrêt, sur les 56 présents en France. "Depuis mi-janvier 2023, la disponibilité du parc nucléaire (...) a progressivement augmenté, passant d'environ 42 gigawatts (GW) au milieu du mois de janvier à un peu plus de 45 GW début février. Elle a légèrement diminué depuis, avec le début du cycle de maintenance de l'année 2023", rapporte le même document. Pour autant, les capacités historiques sont loin d'être atteintes. Au 28 février, la filière produisait ainsi autour de 40 GW, soit 66% de son potentiel.
Pour la fin de l'hiver et le printemps qui arrive, RTE table sur une disponibilité des réacteurs toujours "largement inférieure à l'historique d'avant crise sanitaire", avec toutefois une "amélioration à partir de mars par rapport à l'année dernière".
2 Pourquoi relancer l'atome ?
"L'atteinte de nos objectifs climatiques suppose d'aller beaucoup plus vite sur l'électrification de notre pays et donc d'avoir des capacités de production électrique beaucoup plus [importantes]", a fait valoir la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher sur franceinfo. Pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, responsables du changement climatique, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) invite en effet à réduire de la consommation de charbon, de pétrole et de gaz, de respectivement de 95%, 60% et 45% en 2050 par rapport à 2019. Des énergies fossiles dont dépend encore beaucoup la France : elles représentent plus de 45% de notre consommation d'énergie primaire, comme le montre cette infographie.
Pour sortir des énergies fossiles, le Giec avance les pistes de la sobriété et du "déploiement de sources peu émettrices". Le nucléaire en fait partie. "C'est l'un des nombreux outils permettant d'atteindre nos objectifs climatiques, de produire de l'électricité de base et de garantir la sécurité de l'approvisionnement", affirment 11 pays européens en faveur du déploiement de l'atome. Le nucléaire, en effet, est l'une des sources d'énergies les moins émettrices, peut-on conclure de la base carbone de l'Ademe.
Les énergies renouvelables font également partie des bons élèves en la matière. Durant les discussions avec les dix Etats européens en faveur du nucléaire, Paris avait d'ailleurs jugé l'atome "complémentaire" des énergies renouvelables pour atteindre l'objectif européen de neutralité carbone en 2050. Depuis Belfort (Territoire-de-Belfort), Emmanuel Macron avait déjà fixé en février 2022 l'objectif de multiplier par dix la puissance du solaire, de doubler celle des éoliennes terrestres et de construire cinquante parcs éoliens en mer à l'horizon 2050. Une volonté réaffirmée en septembre à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) lors de l'inauguration du premier parc d'éoliennes en mer français : la France doit aller "deux fois plus vite" sur la mise en service de projets d'énergies renouvelables, avait alors martelé le chef de l'Etat.
3 Quel est le calendrier cette relance ?
S'appuyant sur un rapport rendu par RTE en octobre 2021, Emmanuel Macron avait précisé le calendrier de la relance du nucléaire lors de son discours de Belfort : six EPR de deuxième génération construits d'ici à 2050, avec une option pour huit autres. Les deux prochains réacteurs seront implantés à Penly (Seine-Maritime), a confirmé Agnès Pannier-Runacher avant d'avancer l'objectif de 2027 pour la "première coulée de béton" et "une mise en service des premiers réacteurs nucléaires entre 2035 et 2036". Pour faciliter leur installation, le projet de loi en discussion à l'Assemblée nationale entend simplifier les procédures administratives.
A Belfort, le président de la République a aussi appelé à réfléchir à la construction de "petits réacteurs modulaires, les fameux SMR" d'ici à 2030. Il a également prévu d'étendre la durée de vie du parc existant au-delà de 50 ans. A court terme, l'EPR de Flamanville (Manche) doit être mis en service. Si le chantier, démarré en 2007, a pris des années de retard, son branchement est prévu pour mi-2024.
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