#onfaitquoi : reportage à Grigny dans le quartier où a grandi Amedy Coulibaly
En voiture, avec Yveline le Briand, 60 ans, adjointe au maire en charge de l'éducation et de la vie de quartier à Grigny, dans l'Essonne. C'est surtout là qu'elle a enseigné pendant 32 ans, dans une école maternelle du quartier populaire de la Grande Borne, où elle vit toujours. C'est aussi là où vivait Amedy Coulibaly depuis l'enfance, avec ses parents d'origine malienne et ses neuf soeurs, près de la place aux Herbes où depuis les attentats, le sentiment général se résume en un mot, "atterrée", comme dit l'être Yveline.
Dans le dédale des rues de la Grande Borne, il y a le nouveau gymnase, il y a ces grands bâtiments flambants neufs - la rénovation urbaine est passée par là -, il y a aussi les petits immeubles plein de couleurs, qui datent des années 1970, aux façades défraîchies. Des immeubles dans lesquels vivent aujourd'hui 12.000 personnes. Et puis il y a la plaine, vaste espace vert ; c'est là que nous emmène Ahmid, 40 ans, l'un des médiateurs du quartier, pour parler tranquillement. Il s'interroge sur le délicat travail qui l'attend auprès des habitants.
Des habitants bouleversés
Les jeunes de la Grande Borne nous voient arriver de loin : ils sont méfiants, fuyants. Les plus âgés ne sont pas plus loquaces : témoignage anonyme, exigence de discrétion... Cet habitant d'une quarantaine d'années décrit l'ambiance dans le quartier, le jour où la France a découvert le visage d'Amedy Coulibaly : "Je suis tombé sur le cul ".
Prise de conscience
Finalement, l'un de ces grands du quartier, 36 ans, accepte d'être enregistré, lucide sur les mécanismes d'embrigadement... "Nous-mêmes entre amis on discute de ces gens-là, qui nous disent ' viens faire le djihad', on leur répond ' mais vas-y toi !' [...] On est lucides, on n'est pas dupes, faut que les gens se sentent exister, reconnus par l'État ", explique-t-il.
L'incompréhension, l'indignation, partagée par la communauté malienne de Grigny, très importante dans le quartier de la Grande Borne. L'un de ses représentants, LAMINE Camara, 34 ans : "Il ne faut pas avoir d'ambages, il faut condamner cet acte avec la dernière rigueur, ça met en péril la cohésion sociale, le vivre-ensemble, et ça met tout le monde en insécurité, nous devons nous organiser, nous mobiliser pour que de tels actes ne puissent plus se reproduire ! On a peur qu'il y ait beaucoup d'Amedy Coulibaly en puissance ". Le conseil des sages de la communauté malienne de Grigny a désormais un objectif : les anciens veulent mieux faire passer, marteler à l'avenir l'idée de laïcité dans le dialogue avec leurs jeunes. Ils ont compris l'urgence, le parcours d'Amedy Coulibaly a servi à cette prise de conscience.
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