Où est passée Nuit Debout ?
Les "Nuits Debout" n'ont pas connu le grand soir auxquels ils rêvaient. Le mouvement né le 31 mars dernier sur la place de la République, à Paris, à la suite d'une manifestation anti-loi Travail, semble terminé. Les centaines de "Nuits Deboutistes", entre 1 000 et 2 000 par jour au plus fort du mouvement, ne sont plus là. Même constat dans les 350 villes françaises où des Nuits Debout avaient émergé. Deux mois plus tard, donc, la contestation contre la loi El-Komri se poursuit dans la rue. Mais place de la République, à part quelques irréductibles marginaux, il n'y a plus personne pour débattre.
La place est redevenue comme avant. Ici des gens en terrasse, là des skateurs qui tournent autour de la statue de la République, au pied de laquelle il y a toujours quelques fleurs en hommages aux victimes des attentats.
Les Nuits Debout sont partis et Vincent, barman à l'Indiana Café, ne les regrette pas. "Ils nous ont fait beaucoup de tort au niveau de la clientèle , explique-t-il. C’était une bonne initiative mais ça a mal terminé à cause des casseurs, de la présence policière… On a perdu facilement 5% par jour."
Dans les arbres, des restes de Nuit Debout : les panneaux qui indiquent les différentes commissions qui rythmaient les débats sur l'écologie, la démocratie... Ce trentenaire aimerait voir encore du monde pour les animer. "C’est plutôt festif, c’est plutôt bon enfant et intéressant parce qu’il y a eu des bons débats, surtout au début", se rappelle-t-il.
"Ça va continuer parce que les gens sont là, qu'ils ont envie de s'exprimer"
— Laury-Anne, gazettedebout.fr
Qu'il se rassure, Nuit Debout n'a pas totalement disparu, le mouvement se poursuit sur internet. Le site gazettedebout.fr par exemple avait été créé pendant l'occupation de la place. Laury-Anne, qui continue à l'alimenter, revendique entre 2 000 et 5 000 visiteurs par jour. "Ç a va continuer parce que les gens sont là, qu’ils ont envie de s’exprimer, parce qu’il y a des nouvelles idées qui émergent" assure-t-elle.
La contestation se fait virtuelle, sur les réseaux sociaux
Et puis ils restent debout sur les réseaux sociaux : 170 000 personnes environ suivent la page Facebook, 50 000 le compte Twitter. Des comptes mis à jour par une trentaine de militants parmi lesquelles Benjamin Ball. "Récemment on a publié sur la question du contrôle au faciès, sur Notre-Dame-des-Landes, décrit-t-il. Tout le monde dans le mouvement Nuit Debout a un pied dans différentes causes et ça nous permet de parler d’engagements du moment."
Cette mobilisation sur les réseaux sociaux d'aujourd'hui fera la Nuit Debout de demain : cet autre contestataire virtuel, Baki Youssoufou en est convaincu. "Il peut y avoir 10 000 personnes sur la place de la République, toute une nuit, à tout moment, assure-t-il. Parce que quand on publie quelque chose sur Facebook, aujourd’hui, au bout de cinq minutes, il y a des centaines de milliers de personnes qui l’ont vu et qui l’ont commenté. A partir de là, tout déclencheur peut ramener les gens sur les places."
Sur Facebook, ils l'ont d'ailleurs annoncé : si le gouvernement passe en mode 49.3 sur la loi travail, les Nuit Debout passeront en mode 1789.
"Ce qui a manqué, c'est un slogan plutôt qu'un millier d'idées"
Eddy Fougier, politologue
L'essoufflement de Nuit Debout ne surprend pas le politologue Eddy Fougier, chercheur associé à l'Iris. Plusieurs raisons l'expliquent et la première est que Nuit Debout n'a pas attiré suffisamment de monde : "Quand on regarde les Indignés en Espagne, ils étaient plusieurs centaines de milliers, à Nuit Debout on était à plusieurs centaines de personnes" analyse le spécialiste.
Eddy Fougier pointe également un problème de structuration du mouvement. "Ce qui a manqué aussi, c’est un slogan plutôt qu’un millier d’idées , assure Eddy Fougier [...]. Et certainement aussi une organisation un peu plus structurée[...], puis peut être aussi une figure qui ressorte aussi. En dehors de celle de Frédéric Lordon, il n’y a pas vraiment de figure."
Peut-on croire à un mouvement social de contestation sur les réseaux sociaux? "Effectivement ça peut paraitre dans l’air du temps, décrit Eddy Fougier. Mais le mouvement ne perdure pas. Pour que ça dure, il faut qu’il y ait une 'victoire'. Et là, en l’occurrence sur la loi El Khomri, ça n’est pas le cas. Il faut qu’il y ait aussi différents éléments qui s’agrègent : des syndicats plus classiques, des politiques...."
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