Peut-on porter le voile dans les établissements de l'enseignement supérieur ?
Des professeurs ont pris à partie des étudiantes voilées en septembre, dans une université à Paris et à Sciences-Po, à Aix-en-Provence.
"Vous comptez garder votre truc à tous mes cours ?", "Vous êtes un cheval de Troie de l'islamisme." A deux reprises, en septembre, deux professeurs s'en sont pris à des étudiantes voilées, dans deux établissements et deux villes bien distincts. Mais en ont-ils le droit ? Francetv info apporte des éléments de réponse.
Que s'est-il passé ?
D'abord, le 16 septembre, à l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne. Une étudiante voilée a déclaré que sa professeure lui avait demandé, lors de sa première séance de travaux dirigés (TD) de géographie physique, d'enlever son voile pendant les exposés, parce que cela "la dérangeait". Contactée par Le Monde, qui a révélé cette affaire le 25 septembre, la professeure a nié les faits. Pourtant, des étudiants présents au cours ont cosigné une lettre, mise en ligne sur le site Islam et info, pour attester les dires de la jeune femme. Le président de l'université, Philippe Boutry, a reçu l'étudiante et s'est excusé.
Le 29 septembre, une étudiante en première année à l'Institut d'études politiques (IEP) d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), a été accusée par un professeur d'être "un cheval de Troie de l'islamisme", en raison du voile qu'elle portait durant son cours d'histoire. "Je ne l'ai pas agressée, j'ai simplement fait remarquer à cette étudiante qu'elle gênait ses camarades en amphi. (..) Elle est totalement manipulée", a expliqué l'historien, Jean-Charles Jauffret, à nos confrères de France 3 Provence-Alpes. Les étudiants ont regretté cet échange. Certains ont quitté l'amphithéâtre en signe de désapprobation. Le directeur de l'IEP est intervenu devant l'ensemble des étudiants, mercredi après-midi.
Que dit la loi ?
En recevant l'étudiante de Paris-I, Philippe Boutry, "a présenté des excuses au nom de l'université". Selon Le Monde, il a regretté l'incident et l'interprétation erronée que l'enseignante fait de la loi de 2004. D'après ce texte, "dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit".
Les établissements publics d'enseignement supérieur ne sont en aucun cas mentionnés, et se situent donc en dehors du champ d'application de la loi sur le voile. Mais ils restent soumis au principe de laïcité inscrit dans le code de l'Education. Il stipule que "le service public de l'enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l'objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions".
Et en pratique, comment cela se passe ?
Toutefois, on considère que les établissements supérieurs accueillent pour l'essentiel un public adulte, donc responsable. "Des personnes majeures peuvent revendiquer par certains signes ostentatoires leur appartenance à tel ou tel mouvement religieux", indique la Conférence des présidents d'universités (CPU), dans son guide Laïcité et enseignement supérieur (PDF) rédigé en 2004.
"Pour autant, il ne s'agit pas d'un droit absolu, poursuit ce texte. Pour certains enseignements, le juge administratif a reconnu le bien fondé de tenues appropriées pour des raisons soit de sécurité, soit d'hygiène." Par exemple, les signes religieux, y compris le voile, ne doivent pas gêner l'exercice d'activités physiques et sportives, ou de travaux pratiques dans certaines matières scientifiques. Une tenue ne doit pas non plus gêner le contrôle de l'identité lors d'un devoir surveillé. Enfin, les étudiants ne doivent pas faire preuve de prosélytisme ou de propagande, sous peine de voir leurs actes sanctionnés.
"Aucune raison d'ordre religieux, philosophique, politique, ou considération de sexe ne pourra être invoquée pour refuser de participer à certains enseignements (...), contester les choix pédagogiques ainsi que les examinateurs", explique le règlement du Conservatoire national des arts et métiers, alors que des textes comparables ont fleuri à l'Institut national des langues et civilisations orientales, les universités Lille-III , Montpellier-I, Paris-VII ou Toulouse-I.
Pour faire respecter ces principes, le président peut adapter son règlement intérieur ou établir une charte, dans la limite de la loi de 2004. "Ce type de règlement constitue la base juridique dans le cas de conflits ou d'atteintes internes à l'établissement", précisait en 2013 Le Figaro. Mais il s'agit dans ce cas d'apporter une réponse à certains étudiants qui n'hésitent pas à récuser un examinateur ou une examinatrice au nom de la séparation des sexes soi-disant prônée par leur religion, et non au port du voile. Sur ce dernier point, François Hollande a simplement estimé, le 30 août 2013, qu'il "est possible d'intervenir sans qu'il soit besoin de texte supplémentaire".
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