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Extension de la PMA : pour une association de "mamans solos", les réserves de l'Académie nationale de médecine sont "d'un autre temps"

Anne-Sophie Duperray, co-présidente de Mam'en solo, réagit sur franceinfo au rapport de l'Académie nationale de médecine, qui émet des réserves sur l'extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, dans le cadre de la loi de bioéthique. 

Article rédigé par franceinfo
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L'Académie nationale de méedecine, à Paris. (KoS CC BY-SA 3.0 VIA WIKIMEDIA COMMONS)

L'Académie nationale de médecine (ANM) fait part, dans un rapport de son comité d'éthique publié samedi 21 septembre, de ses réserves sur l'extension de la PMA à toutes les femmes. Cette mesure figure dans le projet de loi de bioéthique. Pour l'ANM, la question est plus sociétale que médicale. Et dans son rapport, elle met en avant le "bien de l'enfant" et les "risques pour le développement psychologique et l'épanouissement" qu'il encourrait s'il était privé de père. Une prise de position dans le débat qui fait bondir Anne-Sophie Duperray, co-présidente de Mam'en solo. Elle-même a eu une fille grâce à une procréation médicalement assistée (PMA) au Danemark alors qu'elle était célibataire. Elle réagit sur franceinfo aux réserves de l'ANM.

Un risque pour le développement psychologique de l'enfant ? "Il méconnait nos familles !"

L'ANM craint une "rupture volontaire d'égalité entre les enfants", puisque la PMA pour toutes priverait délibérément un enfant de père. Selon l'Académie de médecine, "cette rupture anthropologique majeure n'est pas sans risques pour le développement psychologique et l'épanouissement de l'enfant", et le "principe de précaution" imposerait de mener "des études en milieu pédopsychiatrique à partir d'enfants privés de pères" pour évaluer leur bien-être. 

"Il méconnait totalement nos familles", regrette Anne-Sophie Duperray. Elle balaie cette invocation du "principe de précaution". "Ça veut dire qu'on ne sait pas ce qui va se passer ? Mais nos familles existent déjà ! Et certains des enfants qui sont étiquetés familles non-traditionnelles sont devenus des adultes aujourd'hui et eux ils le disent qu'ils vont bien."

L'ANM estime qu'aucune étude ne permet de conclure à l'absence d'impact avéré sur les enfants. "Mais des études qui montreraient qu'il y a des difficultés, il n'y en a aucune, répond Anne-Sophie Duperray. Si ces enfants ne sont pas des sujets d'étude, c'est parce qu'ils vont bien !"

Le rôle des pères et des mères pas équivalents ? "Cette conception sexuée relève d'un autre temps"

L'ANM met en avant "la figure du père, fondatrice pour la personnalité de l'enfant'. Et avance dans son rapport que "l'existence de deux mots distincts, père et mère, signifie que l'un ne peut se substituer à l'autre car le rôle des pères et des mères ne sont pas équivalents". Pour Anne-Sophie Duperray, "cette conception sexuée du partage des rôles relève d'un autre temps. D'ailleurs même dans les couples hétérosexuels on ne dit plus ça aujourd'hui."

"On ne peut pas méconnaître la question de l'altérité et celle de la différence homme-femme", estime l'ANM. Exact, pour Anne-Sophie Duperray. Mais le père n'est pas "la seule altérité possible". "Cette question, les femmes seules se la sont posée. Oui, il y a besoin d'un autre, mais ça n'est pas forcément un père. Ça peut être une autre mère, un autre parent, une grand-mère, un instituteur... Il faut que ce soit un autre. Et ça, on n'en manque pas, dans notre entourage."

Des mères seules vulnérables et fragiles ? "Quand on est solo, on a pensé à tout"

L'ANM est réservée sur l'extension de la PMA aux femmes seules "en raison de l'observation d'une vulnérabilité, source d'anxiété et de fragilité maternelle avec des couples mères-enfants qui peuvent être pathologiques". L'Académie invoque sur ce point les auditions par la commission spéciale de l'Assemblée nationale.

Anne-Sophie Duperray relève qu'une psychanalyste entendue lors des auditions à l'Assemblée a effectivement évoqué la culpabilité qui peut frapper certaines mères qui élèvent seules leur enfant. "Déjà, le jour où la société légitimera notre famille, il n'y aura plus aucune raison de se sentir coupable", note-t-elle. Et elle n'a pas la même lecture de la situation des mamans seules. "Notre démarche est vraiment l'aboutissement d'une réflexion extrêmement longue et mûrie. Ce qui fait que quand on est en solo, on a pensé à tout. On a pensé aux aspects logistiques, matériels, organisationnels, mais aussi affectifs. On a pensé à tout ça en étant seules." Selon elle, l'ANM se trompe en parlant de "vulnérabilité" : "Il y a de la précarité dans certaines familles monoparentales, mais là ce sont des familles monoparentales subies, ce qui est différent de nos familles pour lesquelles dès le départ on est parties en solo."

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