Maltraitance dans les Ehpad : l'affaire Orpea est "un scandale d'État", dénonce une association
Le président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées estime qu'il faudrait appliquer un ratio de personnel de huit professionnels pour dix personnes âgées dans tous les établissements, qu'ils soient publics, associatifs ou commerciaux.
Pascal Champvert, président de l'Association des Directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), a dénoncé mardi 1er février sur franceinfo "un scandale d'État sur l'insuffisante implication de l'État depuis de nombreuses années" dans les maisons de retraite. Le livre du journaliste Victor Castanet, Les Fossoyeurs, qui dénonce la maltraitance des personnes âgées accueillies dans certains Ehpad du groupe Orpea, a poussé le gouvernement à réagir. La ministre déléguée chargée de l'Autonomie, Brigitte Bourguignon, a annoncé ce mardi l'ouverture d'une enquête administrative et d'une enquête financière. Les dirigeants du groupe ont été convoqués ce mardi au ministère. Pascal Champvert assure que l'État ne souhaite pas faire plus de contrôles dans les Ehpad parce qu'ils découvriraient "tout ce qu'ils savent, c'est-à-dire des professionnels qui ne font pas tout ce qu'ils devraient faire parce qu'ils ne sont pas assez nombreux".
franceinfo : Faut-il fixer un seuil minimum de salariés dans une maison de retraite ?
Pascal Champvert : Absolument. Il faut simplement appliquer ce que l'État avait prévu de faire il y a dix ans, c'est-à-dire avoir un ratio de personnel de huit professionnels pour dix personnes âgées et dans tous les établissements qu'ils soient publics, associatifs ou commerciaux. Le jour où on aura huit pour dix, alors qu'aujourd'hui on est à peine à six pour dix et que l'État nous dit qu'il est impossible d'aller jusqu'à huit pour dix, ce sera déjà bien. Mais pourquoi est-ce que l'État n'impose pas cela aux établissements commerciaux ? Pour une raison simple, il n'impose pas ça aux 20% d'établissements commerciaux parce que sinon, ils seraient obligés de l'imposer dans les 80% d'établissements publics et associatifs dont il définit les budgets. Or, l'État ne veut pas augmenter le nombre de professionnels dans les établissements associatifs pour faire des économies sur le dos des personnes âgées et, in fine, pour ne pas améliorer les conditions de travail des salariés. Donc de ce fait, il est totalement impuissant par rapport à des établissements commerciaux comme Orpea où, si les faits sont avérés, il se passe des choses absolument inqualifiables et insupportables.
Faudrait-il faire plus de contrôles inopinés ?
Dans les situations où il y a de graves soupçons, comme dans l'affaire Orpea, il faut, bien sûr, qu'il y ait des contrôles du type de ceux que vient d'annoncer la ministre. C'est bien le moins que l'État puisse faire. Mais dans tous les autres établissements, pourquoi l'État et les départements ne font-ils pas plus de contrôles ? Parce que quand ils contrôlent, ils découvrent tout ce qu'ils savent, c'est-à-dire que les professionnels ne font pas tout ce qu'ils devraient faire parce qu'ils ne sont pas assez nombreux. Or, c'est précisément l'État et les départements qui imposent un sous-financement de l'ensemble du secteur.
"Et n'oublions pas les services à domicile où la situation n'est pas plus enviable. Comme les personnes sont isolées chacune dans son domicile, elles sont en fait "invisibilisées". Et les professionnels qui travaillent à leur service sont invisibles."
Pascal Champvert, président de l'Association des Directeurs au service des personnes âgées (AD-PA)à franceinfo
Donc, il faut des contrôles par des autorités indépendantes quand on aura le nombre de professionnels nécessaires. La Défenseure des droits pourrait tout à fait contrôler les établissements, les services, mais aussi l'État et les départements pour voir s'ils remplissent bien leurs obligations.
Que demandez-vous au gouvernement ?
Il faut bien comprendre que cet ouvrage révèle un scandale d'État sur l'insuffisante implication de l'État depuis de nombreuses années. C'est la raison pour laquelle nous demandons au président de la République de prendre la parole sur un sujet aussi important et d'engager très concrètement, il peut le faire avant la fin de son quinquennat, la création de deux postes supplémentaires dans les établissements et services à domicile, publics et associatifs et dans les commerciaux qui fonctionnent normalement. Cela fait de l'ordre de 40 000 postes et cela permet immédiatement de diminuer le chômage de 40 000 personnes.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.