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"Cela peut aller jusqu’à un tabassage en règle": les violences de certains surveillants de prison, ce tabou de la pénitentiaire

L’Observatoire international des prisons rend lundi un rapport sur les violences sur les détenus. Le sujet, peu documenté, fait figure de tabou derrière les murs de la "Petite Muette".

Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un surveillant au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, le 27 novembre 2018. (JEFF PACHOUD / AFP)

Lorsqu'on parle de violences en milieu carcéral, on pense évidemment aux violences entre détenus et aux violences des détenus sur les surveillants. Mais la section française de l'Observatoire international des prisons (OIP) rend lundi 3 juin un rapport, particulièrement documenté, qui concerne cette fois les violences de certains personnels pénitentiaires sur les détenus. Un sujet tabou sur lequel il n'existe aucune donnée, aucune statistique publique.

De la petite claque aux coups répétés

Etre enfermé 24 heures sur 24 dans des prisons parfois surpeuplées est par essence violent. De nombreux détenus expliquent que s'ajoutent à cela le tutoiement de certains surveillants, les brimades, les insultes. Une violence verbale décrite comme quotidienne. Au point que l'Observatoire international des prisons l'a mise de côté pour ne se pencher que sur les violences physiques, de la petite claque aux coups répétés. 

Les violences de certains surveillants de prison, ce tabou de la Pénitentiaire - reportage Mathilde Lemaire

Hervé est sorti il y a deux ans de quatorze années derrière les barreaux dans plusieurs prisons du Nord et de Normandie. "Si vous tombez sur une mauvaise équipe, dans un mauvais établissement, c’est-à-dire avec une direction qui couvre les faits, cela peut aller jusqu’à un tabassage en règle. Par exemple, quand c’est votre jour de douche et que le surveillant l’oublie, vous frappez à la porte parce que vous n’avez droit qu’à trois douches par semaine, le surveillant peut péter un plomb. Le surveillant déclenche l'alarme et dix personnes interviennent, sans chercher à comprendre, vous plaquent au sol et vous déshabillent de force."

Il peut se passer tout et n’importe quoi, jusqu’à la mort. Cela peut être dans n’importe quel lieu de la prison, comme dans les angles morts où il n’y a pas de caméras.

Hervé, ancien détenu

à franceinfo

"Je peux comprendre qu’il y ait des difficultés au niveau des moyens humains, qu’ils soient débordés, ce qui est une réalité, concède Hervé. Mais ce climat contribue à créer de la colère et la haine de demain…" Dans le rapport de l'Observatoire international des prisons sont aussi évoquées les situations où des surveillants font appel à un détenu pour en frapper un autre. Quand les prisonniers violentés souhaitent porter plainte, c'est le parcours du combattant : les dossiers qui parviennent jusqu'au parquet sont souvent classés sans suite et les sanctions sont rares.

Des lanceurs d'alerte poussés à la démission

Pour son enquête, l'OIP a recueilli plusieurs témoignages de surveillants de prison. "Ils étaient avides de nous parler mais aucun d’entre eux n’a accepté de témoigner autrement qu’anonymement, explique Cécile Marcel directrice France de l’OIP. Le corps des surveillants est un collectif extrêmement soudé : un surveillant dépend des autres surveillants pour sa sécurité, aussi on ne dénonce pas le comportement d’un collègue, quand bien même on le déplorerait." Les lanceurs d’alertes qui ont dénoncé les agissements violents de certains de leurs collègues se sont exposés à des mises à l’écart, des vexations, des brimades, des harcèlements. Certains ont même été poussés à la démission… La culture du tabou règne à la Pénitentiaire, qu'on appelle la Petite Muette. L'une des pistes évoquées par l'OIP pour plus de transparence serait d'équiper chaque surveillant d'une caméra piéton qui les dissuaderait de franchir la ligne rouge.

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