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Prostitution : des clients aussi "dans une très grande détresse"

TEMOIGNAGES | La question revient sur le devant de la scène avec l'examen d'un projet de loi à partir ce vendredi à l'Assemblée. Un texte qui prévoit une amende de 1.500 euros pour les clients et le double en cas de récidive. Des clients forcément opposés à ce texte, tout comme beaucoup de prostituées. 
Article rédigé par Cécile Mimaut
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Guillaume Ruoppolo Maxppp)

Ainsi les professionnelles du sexe craignent des
répercussions sur l'hygiène avec des passes de plus en plus secrètes pour
éviter la sanction, avec aussi les conséquences qui en découlent sur leur
sécurité.

Des clients en "grande détresse " (Katia)

A Marseille mercredi, une quarantaine
de personnes se sont rassemblées, avec des slogans comme "touche pas à mon
client
" ou encore "on veut des putains de droits" .

Katia a 40 ans. Elle se prostitue depuis l'âge
de 20 ans. "Les clients ne viennent pas spécialement pour avoir des
rapports. Ils viennent aussi parce qu'ils sont dans une très grande détresse
",
explique-t-elle. Et les profils sont variés. "On a beaucoup de personnes âgées, beaucoup de gens qui ont du mal à trouver des
femmes, qui sont très timides, mais aussi beaucoup de personnes handicapées qui n'ont
pas d'autres choix que de payer. Nous avons des personnes obèses aussi, qui
souffrent énormément, qui sont rejetées
", raconte Katia. Et de reconnaître
qu'il y a aussi "énormément" d'hommes mariés.

"Moi j'accepte
tout le monde, du moment que les personnes sont correctes, je suis là
", déclare
la prostituée, qui confie voir deux à trois clients par jours, "de 13h jusqu'à19h ".

"Moi j'ai une vie très agréable " (Cynthia)

Si la loi socialiste est adoptée, les
clients seront sanctionnés. Ce qui fait craindre à certaines prostituées de
voir le nombre de leurs clients baisser et leurs revenus avec, à l'image de
Cynthia, 57 ans, qui travaille rue Saint Denis à Paris.

"Moi j'ai quand
même un salaire de cadre, j'ai une vie très agréable. Je suis une femme très
indépendante et c'est l'argent que je gagne qui me permet de l'être. Alors j'aimerais
savoir ce qu'on va me proposer parce que si on veut me réinsérer, à mon âge...
" Cynthia se dit aujourd'hui "l ibre, indépendante et
heureuse
", etne veut pas demain "tomber dans la précarité ", explique-t-elle.

Une loi qui fragilisera les prostitué(e)s selon MDM

Egalement opposée à la pénalisation
des clients de  prostituées,
l'association Médecins du Monde a envoyé mardi aux députés un DVD de six
témoignages de prostituées, pour "faire entendre la voix de  toutes celles et ceux que cette loi fragilisera",
indique l'association.

Les femmes qui s'expriment à visage couvert expliquent
dans ce film d'une dizaine de minutes "à quel point elles redoutent l'impact de la pénalisation des clients sur
leur santé et le respect de leurs  droits",
précise MDM dans un communiqué.

Une urgence à lutter contre les réseaux

Mais toutes les voix ne s'élèvent pas
forcément contre le projet de loi présenté ce vendredi à l'Assemblée. Parmi ses
défenseurs, Rosen
Hicher. Cette ancienne prostituée a travaillé pendant 22 ans et aujourd'hui
elle milite pour la pénalisation du client.

Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui les
clients se croient tout permis, raconte Rosen, qui se souvient notamment d'un homme qui refusait le préservatif alors qu'elle exerçait encore. "Moi j'ai pu le mettre dehors, mais les autres, celles qui sont dans les réseaux, elles font comment ? ", interroge-t-elle. Et c'est pour ces femmes
que Rosen se bat aujourd'hui.

En France, le ministère de l'Intérieur
compte au moins 20.000 prostituées, et la très grande majorité sont en effet
des étrangères victimes de réseaux de proxénétisme. Punir les clients, ce
serait pour elles une arme, une protection, estiment les défenseurs de la
proposition comme Rosen. Pour les opposants, cela risquerait au contraire de
les isoler et donc de les précariser encore un peu plus.

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