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Qu'est-ce que Civitas, le mouvement catholique intégriste dont Gérald Darmanin a engagé la dissolution ?

Le ministre de l'Intérieur a annoncé, lundi, avoir lancé la procédure de dissolution de l'organisation, après des propos antisémites tenus lors de l'université d'été du mouvement.
Article rédigé par franceinfo
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Le président de Civitas, Alain Escada, défile à Paris lors d'un hommage à Jeanne d'Arc, le 8 mai 2022. (QUENTIN DE GROEVE / HANS LUCAS / AFP)

Une réaction qui fait suite à des propos "ignominieux". Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé, lundi 7 août, qu'il avait enclenché le processus de dissolution de l'organisation catholique intégriste Civitas, après des propos antisémites tenus lors de son université d'été.

Une vidéo publiée sur Twitter, samedi, a révélé ces paroles prononcées fin juillet. Lors d'une conférence de l'université d'été, en Mayenne, l'essayiste Pierre Hillard, connu pour ses discours complotistes et antisémites, a déclaré que "la naturalisation des Juifs en 1791 ouvre la porte à l'immigration". "Avant 1789, un Juif, un musulman, un bouddhiste ne pouvaient pas devenir Français. Pourquoi ? Parce que c'était des hérétiques", a-t-il poursuivi, ajoutant qu'il "faudrait peut-être retrouver la situation d'avant 1789".

Après avoir découvert ces propos, le ministère de l'Intérieur a donc lancé la dissolution de l'organisation Civitas. Quelle est l'histoire de ce mouvement devenu parti politique, et quelles actions a-t-il menées ces dernières années ? Franceinfo fait le point. 

Une organisation intégriste en lien avec l'extrême droite

"Civitas est un groupuscule à la fois nationaliste et catholique intégriste, créé en tant qu'association en 1999", résume auprès de BFM TV Jean-Yves Camus, politologue et codirecteur de l'Observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean-Jaurès. Interrogé par Le Monde en 2021, le chercheur expliquait que l'organisation était le fruit d'une scission au sein de la Cité catholique, un mouvement créé par le maurrassien et pétainiste Jean Ousset. Civitas rassemblait alors des proches de la Fraternité Saint-Pie-X, fondée par l'archevêque Marcel Lefebvre.

L'un des principaux objectifs de l'organisation est la fin de la laïcité. "Civitas est en guerre contre la séparation des cultes et de l'Etat, sur laquelle il veut revenir", poursuit Jean-Yves Camus auprès de BFM TV. Sur son site, le mouvement prône ainsi "le rétablissement du catholicisme comme religion d'Etat, pour l'instauration du règne social du Christ Roi".

L'organisation nationaliste dénonce aussi le "mondialisme". Elle est présidée par Alain Escada, venu des milieux d'extrême droite belge. Parmi les contributeurs de la revue Civitas, on retrouve par exemple l'ancien élu et maire d'extrême droite Jacques Bompard, Jean-Marie Le Pen ou encore l'essayiste d'extrême droite Alain Soral. 

Le mouvement mène également des actions de lobbying auprès d'élus locaux, notamment municipaux, comme le relevait L'Obs en 2016. "C'est à cet échelon que les catholiques peuvent s'engager pour exercer leur influence bienfaisante dans la cité et accéder aux bases d'une future reconquête", écrivait alors l'organisation sur son site. En 2011, Alain Escada avait aussi évoqué une "liste noire des élus" qui "aident les actes de christianophobie et se couchent devant les revendications islamiques". 

Une ligne aux relents antisémites et antimaçonniques

Sans se déclarer ouvertement antisémite, Civitas prône l'abrogation "de tous les protocoles signés entre l'Etat et des associations de type communautariste", citant notamment le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) ou la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (Licra). Dans Le Monde, Jean-Yves Camus relevait qu'Alain Escada tenait une librairie qui comptait plusieurs ouvrages "antijuifs et antimaçonniques".

Selon Libération, le président de Civitas s'est par ailleurs rendu le 23 juillet au cimetière de l'île d'Yeu, où est enterré le maréchal Pétain, pour saluer sa mémoire. Le quotidien rappelle aussi qu'en 2010, des militants de l'organisation avaient tenté d'empêcher une conférence d'un rabbin à Notre-Dame de Paris, affirmant qu'un non-catholique ne peut pas prêcher dans une cathédrale.

De multiples prises de position homophobes

L'organisation a gagné en visibilité il y a dix ans, lors des manifestations contre l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe. Comme le rapportait alors Le Monde, Civitas avait lancé dès le mois de septembre 2012 une campagne d'opposition au mariage et à l'adoption pour tous. L'organisation assurait alors vouloir mener un "lobbying assez étendu" sur le sujet, en tenant des propos ouvertement homophobes. Le mouvement avait par exemple publié un "guide argumentaire sur la problématique homosexuelle" et lancé une pétition en ligne. 

Les membres de Civitas évoquaient à l'époque une "homofolie", multipliant les prises de paroles homophobes dans les médias et les rassemblements contre le mariage pour tous, souligne BFM TV. "Nous, on n'aime pas les homos", avait lâché un militant lors d'une manifestation, relevait également L'Obs en 2013. Alain Escada dénonçait pour sa part des politiques visant, selon lui, à "imposer la normalisation de l'homosexualité", n'hésitant pas à reprendre le terme homophobe de "lobby homosexuel"

Un mouvement devenu parti politique 

L'association catholique intégriste est devenue un parti politique quelques années plus tard, en juin 2016. Un statut qui a permis aux donateurs du mouvement d'obtenir une déduction fiscale de 66%, rappelle La CroixSelon le journal, le parti Civitas vise à "promouvoir et défendre la souveraineté et l'identité nationale et chrétienne de la France en s'inspirant de la doctrine sociale de l'Eglise, du droit naturel et des valeurs patriotiques, morales et civilisationnelles indispensables à la renaissance nationale". 

Le mouvement devenu parti avait présenté des candidats dans une quinzaine de circonscriptions pour les élections législatives de 2017. Parmi eux, l'ex-conseiller régional du Front national Alexandre Gabriac, exclu du parti en 2011 après la diffusion d'une photo où il effectuait un salut nazi devant un drapeau hitlérien.

Pendant la campagne pour l'élection présidentielle de 2022, Civitas avait nié soutenir directement le candidat d'extrême droite Eric Zemmour. Quelques mois plus tôt, on lisait toutefois dans la revue Civitas le passage suivant : "Pour beaucoup de patriotes sincères et conscients, Eric Zemmour incarne un véritable espoir de salut pour notre identité menacée de disparition par l'immigration".

Des propos complotistes contre le pass sanitaire 

L'organisation est devenue une "mouvance agrégeant à elle un discours complotiste et antimaçonnique", décrypte Tristan Mendès-France, spécialiste des cultures numériques et du complotisme, interrogé par le Figaro. Sur Twitter, le chercheur remarque que Civitas avait été l'un des premiers relais du mot-clé #stopconfinement sur le réseau social. 

Le mouvement était également "très présent" dans les rassemblements d'opposition au pass sanitaire face à l'épidémie de Covid-19, relève Le Monde. Civitas évoquait à l'époque une "dictature sanitaire" et l'une des affiches du mouvement, brandie en manifestation, dénonçait la "tyrannie démocratique". Cette pancarte présentait des portraits d'Emmanuel Macron, du ministre de la Santé de l'époque, Olivier Véran, et du cofondateur de Microsoft, Bill Gates. Une affiche qui révèle, comme le souligne Le Monde, une vision conspirationniste d'un complot des élites.

Civitas avait aussi soutenu l'enseignante et militante d'extrême droite Cassandre Fristot, qui avait brandi une pancarte complotiste et antisémite lors d'un rassemblement contre le pass sanitaire. Poursuivie pour "provocation à la haine raciale", elle avait été condamnée à six mois de prison avec sursis.

Une série d'actions polémiques

Ces derniers mois, Civitas a mené plusieurs actions controversées, dont un appel à manifester contre le projet de centre d'accueil de demandeurs d'asile à Saint-Brévin (Loire-Atlantique), en février dernier.

En avril, le mouvement, avec d'autres groupes intégristes, avait proféré des menaces et provoqué l'annulation d'un concert de l'artiste Bilal Hassani, figure LGBT+, au sein d'une ancienne église de Metz (Moselle). Les associations Stop Homophobie et Mousse ont porté plainte contre l'organisation pour discrimination en raison de l'identité de genre. Le mois suivant, des manifestants proches de Civitas ont empêché la tenue d'un concert dans une église de Carnac (Morbihan). Le parquet de Lorient a ouvert une enquête pour violence volontaire et entrave à la liberté d'expression.

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