Etats-Unis : ce que l'on sait du meurtre de Sonya Massey, mère de famille noire abattue par un policier blanc après avoir appelé à l'aide

Cette habitante de Springfield, dans l'Illinois, a été tuée d'une balle dans la tête à son domicile par un policier, comme le montrent les images divulguées par la police de l'Etat, lundi.
Article rédigé par franceinfo
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Sonya Massey, juste avant d'être tuée par un policier, dans l'état de l'Illinois (Etats-Unis), le 6 juillet 2024. (HANDOUT / ILLINOIS STATE POLICE / AFP)

Un enregistrement qui change tout. La police de l'Etat de l'Illinois a rendu public, lundi 22 juillet, les images de la caméra d'intervention portée par le collègue du policier qui a abattu Sonya Massey à son domicile, à Springfield, le 6 juillet dernier. Sur les images, l'on peut voir clairement le policier blanc Sean Grayson, inculpé pour homicide volontaire, tirer à trois reprises sur l'Américaine noire de 36 ans, alors que celle-ci ne représente pas une menace. Franceinfo fait le point sur ce que l'on sait sur ce meurtre raciste qui bouleverse les Etats-Unis, à quelques mois de l'élection présidentielle américaine.

Une vidéo accablante de 36 minutes

Selon le bureau du shérif du comté de Sangamon, Sonya Massey a appelé la police un peu après minuit, samedi 6 juillet, car elle soupçonnait une possible tentative d'intrusion chez elle. L'enregistrement vidéo de la caméra d'intervention portée par le collègue de Sean Grayson montre que les deux policiers arrivent sur les lieux et toquent à la porte de Sonya Massey pour la première fois à 1h12 du matin. Celle-ci leur ouvre quatre minutes plus tard, à 1h16. "Qu'est-ce qui vous a pris autant de temps à ouvrir la porte ?", la questionne alors Sean Grayson. "J'enfilais des vêtements, je suis désolée", répond Sonya Massey, qui semble désorientée et apparaît avoir des difficultés à comprendre et à répondre aux questions des policiers.

"Vous allez bien mentalement ?", l'interroge alors Sean Grayson, ce à quoi Sonya Massey lui rétorque : "Oui, j'ai pris mes médicaments". Avant de conclure l'échange, le policier lui demande ensuite de lui montrer ses papiers d'identité et rentre dans le salon de la femme noire, suivi par son collègue. Il est 1h18, selon les images de la vidéo. Alors qu'elle cherche ses papiers d'identité, l'un des policiers l'enjoint d'éteindre une marmite d'eau qui boue sur la cuisinière "pour éviter un incendie". Sonya Massey s'exécute et les agents reculent. Elle leur demande pourquoi et l'un d'eux répond en riant qu'il veut "s'éloigner de son eau bouillante". Sonya Massey lui reproche calmement cette attitude en disant : "Oh, je te réprimande au nom de Jésus".

"Tu ne devrais pas. Je jure devant Dieu que je tire dans ta putain de tête", lui lance alors Sean Grayson en sortant son arme. "Je suis désolée", s'excuse dans la foulée Sonya Massey, avec un mouvement de recul pour se mettre à l'abri derrière son comptoir. "Lâche cette putain de casserole", s'écrit le policier, qui ouvre le feu quelques secondes après, tirant à trois reprises et tuant Sonya Massey dans sa cuisine. "Je vais aller chercher mon kit [de secours]", dit alors le binôme de Sean Grayson, qui a, lui aussi, sorti son arme, mais sans faire feu. "Non, c'est une balle dans la tête mec, elle est morte", lui réplique Sean Grayson. Celui-ci indique ensuite avoir eu peur d'être aspergé d'eau bouillante.

A 1h24, des renforts arrivent sur place. Sean Grayson explique alors au shériff que Sonya Massey est venue vers lui avec de l'eau bouillante et admet avoir tiré sur elle. Le policier sort finalement de la maison, où de nombreux policiers attendent, et lance à ses collègues : "Oui, je vais bien, cette putain de salope est juste folle". "Je pense qu'elle l'avait organisé exprès (...), je n'avais pas le choix", justifie-t-il encore quelques minutes après, alors que des policiers amènent un brancard pour transporter le corps de l'Afro-Américaine. Selon le médecin légiste Jim Allmon, elle est prononcée morte à 1h47 à l'hôpital St. John's de Springfield, rapporte le State Journal-Register, un quotidien local.

Une manifestation organisée par sa famille

Quelques jours après sa mort, le 12 juillet, la famille de Sonya Massey organise une manifestation rassemblant plus de 100 personnes devant le bâtiment administratif du comté de Sangamon, retrace le State Journal-Register. D'autres manifestations ont lieu les 15 et 16 juillet pour exiger la diffusion des images des caméras d'intervention.

Le 17 juillet, dix jours après la mort de Sonya Massey, sa famille est autorisée à visionner les images. Le même jour, Sean Grayson est arrêté et inculpé de cinq chefs d'accusation, dont homicide volontaire. Le lendemain, lors de son procès, le policier choisit cependant de plaider non-coupable de ces cinq chefs d'accusation. La famille de Sonya Massey a quant à elle décidé d'être représentée par l'avocat Ben Crump, notamment connu pour avoir déjà représenté les familles de George Floyd, Breonna Taylor et Ahmaud Arbery, trois Afro-Américains eux aussi tués par la police.

Un meurtre "insensé"

L'avocat de la famille de Sonya Massey a qualifié ce meurtre d'"insensé". Lors d'une conférence de presse, il a également accusé la police d'avoir initialement essayé de minimiser sa responsabilité. Le shérif local, Jack Campbell, a quant à lui qualifié cette décision d'ouvrir le feu d'"injustifiable", estimant que l'agent "avait d'autres options".

Le président Joe Biden a lui aussi réagi lundi, après la diffusion de l'enregistrement. "Sonya Massey, une mère, une amie, une fille et une jeune femme noire bien-aimée, devrait être en vie aujourd'hui", déplore-t-il dans un communiqué. "Quand nous appelons à l'aide, nous tous en tant qu'Américains – qui que nous soyons et où que nous habitions – devrions pouvoir le faire sans avoir peur pour notre vie", souligne le président américain.

La vice-présidente Kamala Harris, candidate démocrate à l'élection présidentielle, a de son côté fait savoir à l'avocat Ben Crump qu'elle s'entretiendrait avec la famille de la victime. "Sonya Massey méritait d'être en sécurité", regrette-t-elle dans son propre communiqué. "Les images troublantes diffusées hier confirment ce que nous savons des expériences vécues par tant de personnes : nous avons beaucoup de travail à faire pour garantir que notre système de justice porte pleinement son nom", conclut la première femme noire à être devenue vice-présidente des Etats-Unis.

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