"Je dis la vérité, si on veut pas me croire, on me croit pas" : au troisième jour de son procès, Bernard Preynat raconte les agressions sexuelles qu'il dit avoir subies

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
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  (LAURENT CIPRIANI/AP/SIPA / SIPA)

Le prévenu avait déclaré la veille avoir lui-même été victime d'agressions sexuelles dans sa jeunesse, et a pointé la responsabilité de l'Eglise, qui n'a pas su réagir face à ses pulsions.

Ce qu'il faut savoir

Il n'en a parlé que tardivement. L'ex-prêtre Bernard Preynat, jugé à Lyon pour des agressions sexuelles sur de jeunes scouts il y a plus de trente ans, a affirmé, mercredi 15 janvier, avoir lui-même été victime de violences sexuelles dans sa jeunesse, pointant la responsabilité de l'Eglise, qui n'a pas su réagir face à ses pulsions. Depuis le début de son procès, Bernard Preynat, acculé par les témoignages de ses victimes, s'était contenté de reconnaître partiellement les faits en demandant pardon. Après avoir entendu un premier expert mercredi soir, le tribunal a continué à se pencher sur la personnalité du prévenu jeudi matin, avant les plaidoiries des parties civiles dans l'après-midi. Une audience à suivre en direct sur franceinfo.fr

L'ancien prêtre déclare à l'audience avoir été agressé sexuellement. Bernard Preynat a évoqué pour la première fois en public des abus qu'il aurait lui-même subis dans sa jeunesse, en se référant à une lettre écrite juste avant le procès à l'administrateur apostolique de Lyon, Michel Dubost. Dans ce courrier, l'ancien prêtre raconte notamment avoir été successivement agressé sexuellement par un sacristain de sa paroisse, un séminariste et un prêtre au petit séminaire entre sa sixième et sa quatrième.

Il pointe la responsabilité de l'Eglise. "Sans accuser" l'Eglise, l'ex-prêtre a aussi évoqué la responsabilité de sa hiérarchie qui, plusieurs fois alertée de ses pulsions, n'a pas exigé qu'il se fasse soigner. "On aurait dû m'aider... On m'a laissé devenir prêtre", explique-t-il, mentionnant une thérapie infructueuse suivie en 1967 et 1968. De même, il raconte avoir présenté "comme un péché" certains de ses actes et pulsions à son confesseur. Mais "le prêtre me donnait des encouragements pour que je ne recommence pas, et l'absolution".

Ses victimes poursuivent leurs témoignages accablants. Deux dernières parties civiles ont été entendues mercredi matin, sur les dix plaignants pour lesquels les faits ne sont pas prescrits. "Ma femme me caresse. Lui, c'était de la masturbation ; il me touchait comme un sauvage", s'est indigné à la barre Stéphane H., 8 ans à l'époque des faits. Selon lui, les jeunes proies de Bernard Preynat se succédaient parfois dans un même local. Marié, Stéphane H. a des enfants mais a "beaucoup de mal à les toucher", attribuant ces difficultés au traumatisme vécu dans son enfance, sous l'emprise du "père Bernard".

Un expert-psychiatre décrit une personnalité de type pervers sexuel. Le tribunal a commencé à examiner la personnalité du prévenu mercredi soir en entendant un expert-psychiatre qui l'a rencontré trois fois en 2017. Selon le professeur Michel Debout, Bernard Preynat a une personnalité de type pervers sexuel et n’accède pas à la souffrance de l’autre, avec un mécanisme de déni et de clivage. Il s’est construit sur ce clivage : d’un côté un homme d’église respecté, de l’autre un pédophile. "Mi-prêtre, mi-traître", a résumé l’expert, soulignant qu'une prise de conscience, au moins intellectuelle, pouvait être à l'œuvre ces derniers temps.