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Liberté d'expression contre présomption d'innocence : le film de François Ozon sur l'affaire Preynat divise

Le père Preynat, mis en cause pour des actes de pédophilie, réclame devant la justice la suspension de la sortie prévue mercredi du film "Grâce à Dieu" inspiré de cette affaire.

Article rédigé par Mathilde Lemaire - Édité par Noémie Bonnin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le réalisateur François Ozon, à son arrivée pour la première du film "Grâce à Dieu", pendant la Berlinale, le 8 février 2019 à Berlin (Allemagne). (ODD ANDERSEN / AFP)

François Ozon saura lundi 18 février si son film Grâce à Dieu pourra ou non sortir en salles mercredi. Décision de juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, vendredi 15 février. Ce film relate la libération de la parole de trois anciens scouts, 25 ans après les abus sexuels subis de la part d'un prêtre. Un long métrage inspiré de faits réels : l'affaire du père Preynat, près de Lyon. Le curé a lui-même reconnu des dizaines d'agressions sur mineurs dans les années 80/90. Mais dans ce dossier, il a cette fois saisi lui-même la justice pour demander de suspendre la sortie du film, au nom de la présomption d'innocence.

Je vous demande de prendre, monsieur le président, une décision courageuse, une décision qui ne plaira pas. Il faut reporter ce film.

Maître Mercinier

à l'audience

"Les faits dont on parle sont ignobles, on est tous d'accord sur ce point", a commencé par affirmer l'avocat du père Preynat. Mais là n'est pas la question pour lui : le film présente son client comme coupable, alors que ce dernier, mis en examen en 2016, n'a pas encore été jugé. Même si le curé a multiplié les aveux et les lettres d'excuses, une telle œuvre porte atteinte selon lui à sa présomption d'innocence, principe suprême en droit, rappelle Maître Mercinier : "Le père Preynat a reconnu avoir commis des faits. Quels faits ? Quand bien même l'eut-il reconnu, on n'a pas à être jugé devant les écrans, on doit être jugé par des juges. Après qu'on a été jugé, là, la liberté d'expression peut prendre toute sa mesure, pas avant."

Un report serait "une censure"

De leur côté, les producteurs et distributeurs du film se retranchent derrière la liberté d'expression, de création et l'intérêt public de ce film. Pour leurs avocats, un report serait une censure et signerait la mort pure et simple du film, ce qui en ferait "la dernière victime du père Preynat". Grâce à Dieu, qui a coûté six millions d'euros, doit sortir mercredi dans 307 salles en France et est en lice pour l'Ours d'or ce week-end à la Berlinale.

C'est la première fois qu'il y aurait une interdiction de cette nature.

Maître Iweins

à franceinfo

"Un film reporté est un film interdit, commente Maître Paul-Albert Iweins. Compte-tenu des enjeux économiques, des réservations de salles, une fois que c'est au départ perturbé, le film ne peut plus sortir dans des conditions normales. C'est ce que considèrent tous les spécialistes du cinéma."

Des juges se sont retrouvés récemment face à deux cas similaires, avec dans la balance la liberté d'expression et la présomption d'innocence. Un téléfilm sur le docteur Muller, ce médecin accusé du meurtre de sa femme et un autre sur le tueur en série Francis Heaulme. À chaque fois, les magistrats ont choisi, plutôt que de suspendre la diffusion, d'imposer un avertissement écrit sur la présomption d'innocence en générique de début. Dans le cas du film de François Ozon, cette inscription existe déjà à la fin des deux heures et 15 minutes.

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