Procès du père Preynat : "Certains avaient besoin d'être présents, de le voir pour le croire", témoigne l'une de ses victimes
Les crimes commis contre Bertrand Virieux sont prescrits mais il est venu voir si cet homme qui l'a "abusé" pouvait "encore" avoir "un effet sur lui". Il trouve la défense du père Preynat "très édulcorée".
Bertrand Virieux, co-fondateur de l’association La Parole Libérée, a assisté au procès l'ex-père Bernard Preynat jugé depuis lundi à Lyon pour avoir abusé sexuellement de scouts mineurs entre 1971 et 1991. Lui-même victime du prêtre, il évoque vendredi 17 janvier sur franceinfo la portée de ce procès. Selon lui, le père Preynat est "un grand pervers manipulateur" qui est déjà "condamné depuis longtemps".
franceinfo : Comment vivez-vous ce procès ?
D'un côté, je me sens très bien. Je ne suis plus du tout dans La parole libérée depuis longtemps. Je suis venu comme une simple victime prescrite. Je n'avais pas recroisé le père Preynat depuis 37 ans et je venais simplement pour me faire une idée du personnage, voir si je pouvais le reconnaître, entendre sa parole et le son de sa voix. Voir si cet homme qui m'avait abusé il y a presque une quarantaine d'années, pouvait encore avoir sur moi un effet. Je l'ai immédiatement reconnu. J'aurais pu le reconnaître de dos. J'avais l'impression finalement qu'il avait une voix plutôt chuchotée. Cette voix chuchotée, je l'ai éprouvée quand il était près de moi, quand j'étais dans un confessionnal avec lui.
Est-ce que ce procès vous aide à mieux cerner le personnage ?
Ça reste un grand pervers manipulateur. J'en ai la conviction. Il a parlé du fait qu'il avait été lui-même abusé, mais ça tombe finalement trois jours avant l'audience. Après des années et des années où il aurait pu dire, où il aurait pu en faire part. Pour tout ça, j'ai trouvé que sa défense est très édulcorée. Il raconte des choses très très précises qui sont parfois sans importance. Et il élude beaucoup de choses importantes lorsque les victimes lui demandent.
Je suis face à un homme qui, pour moi, représente encore le mal incarné et l'enfant que j'étais n'est absolument plus dupe.
Bertrand Virieux, une victime du père Preynatà franceinfo
L'annonce qu'il a été lui-même abusé est, selon vous, une stratégie de défense ?
Je pense que c'est une stratégie de défense. Je pense simplement que les victimes avaient besoin, elles, de s'exprimer, de le voir. Mais je ne sais pas si ce procès sert à disculper, d'une certaine manière. Le mal est fait. Il l'a reconnu dès les premiers jours, dès les premières heures de garde à vue. L'immensité du désastre a été avouée. Après, une fois que tout cela est dit, pour certaines victimes, c'est le temps de reconstruction. Moi, par exemple, je suis passé vraiment à autre chose depuis un certain temps.
Voir cet homme face à trois juges, c'est ça qui, pour moi, est une conclusion qui me suffit.
Bertrand Virieux
Après toutes les explications, les dénégations, la façon de se défendre, je pense que ça n'a pas vraiment d'importance.
Est-ce que la responsabilité de l'église dans ce procès a été suffisamment abordée ?
Je pense que cela a été effleuré. Je n'ai pas toutes les données. Je n'étais pas présent tout le temps, mais ce qui est certain, c'est que le procès Barbarin pouvait être l'occasion de le faire. Ce qui est sûr, c'est que le prévenu lui-même a vraiment expliqué à quel point, dès son plus jeune âge, son séminaire, l'église, ses autorités avaient tous été prévenus et que finalement, ils se sont "refilés" la patate chaude d'année en année, sans prévenir les principaux intéressés, à savoir les familles, les fidèles, les enfants. Donc, oui, il y a encore des choses à dire et à faire vis-à-vis de cette responsabilité-là.
Bernard Preynat encourt jusqu'à 10 ans d'emprisonnement. Espérez-vous une condamnation particulière ?
Je pense qu'il est condamné depuis longtemps.
Il est descendu de son piédestal, il a perdu toute image qui le rendait charismatique, mais bien entendu la peine maximale, je la souhaite pour toutes ces victimes que j'ai vues très altérées.
Bertrand Virieux
Je pense qu'il aura une peine lourde.
Est-ce que ce procès permet de se reconstruire ?
C'est certainement une des pierres pour les victimes qui sont détruites, mais je vous le dis, ce n'est qu'une étape plus qu'une conclusion. Pour plein de gens, c'est quelque chose de très ancien. Moi, par exemple, je ne voyais pas ça comme une reconstruction personnelle. Ma reconstruction est faite depuis longtemps. Mais probablement que certains avaient besoin d'être présents, de le voir pour le croire. C'est un homme qu'on croyait mort il y a bien longtemps. Quand cette histoire est sortie plein de gens pensaient qu'il était mort. C'était une façon de voir en vrai, une fois de plus, le mal et de s'assurer que c'était une histoire vraie.
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