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Sommet au Vatican sur les abus sexuels : "L'Église doit appliquer la tolérance zéro, la transparence totale"

Le fondateur de l'association Notre parole aussi libérée a réagi sur franceinfo après avoir été reçu au Vatican pour évoquer la pédophilie dans l'Église.

Article rédigé par franceinfo
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Olivier Savignac, fondateur de l'association Notre parole aussi libérée, le 30 octobre 2018. (GUILLAUME SOUVANT / AFP)

"L'Église doit appliquer ce qu'elle a prôné : la tolérance zéro, la transparence totale", a déclaré jeudi 21 février sur franceinfo Olivier Savignac, fondateur de l’association Notre parole aussi libérée, alors que le Vatican réunit du 21 au 24 février des évêques venus du monde entier pour une conférence consacrée aux moyens de lutter contre les abus sexuels au sein de l'Église. Reçu hier au Saint-Siège avec le sentiment d'avoir été "écouté", celui qui a aussi été victime d’un prêtre à l’âge de 13 ans a poussé les responsables ecclésiastiques à agir eux aussi : "L'Église peut parfaitement mener un procès canonique contre les agresseurs qui sont toujours en vie".


Vous avez été reçu au Vatican hier [mercredi 20 février]. Ce rendez-vous était-il important pour vous ?

Oui, je crois que c'était important, historique même. Il y avait dans cette réunion douze personnes victimes, représentant les plus grosses associations mondiales de victimes dans le cadre de l'Église. Face à nous, cinq personnes : les hommes-clés de ce sommet qui s'ouvre à Rome, avec notamment Mgr Scicluna, archevêque de Malte, qui est très investi sur ces questions-là.

Avez-vous le sentiment d'avoir été entendu, d'avoir été écouté ?

Je dirais plutôt écouté. En effet, ces personnes-là étaient dans une disposition d'écoute, d'échange en profondeur avec les victimes. Je crois que c'était de la compassion, et en même temps technique, puisque les victimes et notamment les représentants qu'il y avait hier sont quand même très avancés sur ces questions-là, avec des propositions concrètes. Je représentais notamment les victimes qui étaient présentes à Lourdes et nous avions fait une série de 13 propositions très concrètes.

Que peut faire l'Église aujourd'hui selon vous ?

L'Église, déjà, doit appliquer ce qu'elle a prôné : la tolérance zéro, la transparence totale, quand on est face au secret pontifical, à l'immunité diplomatique de certains prélats. Le nonce apostolique Luigi Ventura, qui vient en France de faire la Une avec un scandale d'agression sexuelle, ce sont des choses comme ça qu'on attend. La transparence totale. Que le Vatican puis le pape s'engagent complètement dans cette transparence d'abord et avant toute chose pour les victimes.

Faut-il aussi retoucher certaines lois de l'Église ?

Je crois que les lois de l'Église sont très claires. L'Église a le pouvoir aussi de juger elle à travers des procès canoniques, de voter l'imprescriptibilité de certains cas. Alors que la justice civile prévoit la prescription à 20 ans après la majorité, l'Église peut lever cette prescription. Là, c'est intéressant : moi j'accueille énormément de messages de la part de gens qui ont 50, 60, 70 ans, qui parlent 60 ans après, bien sûr c'est trop tard dans le cadre de la justice civile. Mais l'Église peut parfaitement mener un procès canonique contre les agresseurs qui sont toujours en vie pour réparation, pour que ces victimes obtiennent une réparation financière et une réparation liturgique.

L'Église a le pouvoir de juger mais elle ne le fait pas aujourd'hui ?

Elle ne le fait pas entièrement. Il y a eu certains procès canoniques, bien sûr. Mais elle ne le fait pas. Parce que dans mon cas à moi, Pierre de Castelet n'a pas eu de procès canonique. L'abbé de Scitivaux, mis en examen à Orléans, n'a pas de procès canonique. L'abbé Maurel en Aveyron, une affaire qui avait défrayé la chronique il y a 20 ans : il n'y a pas eu de procès canonique, et ce dernier célébrait encore il y a très peu de temps des messes en privé. Ce sont des choses que l'Église doit régler. Ça veut dire tolérance zéro : que ces hommes doivent être jugés avec les sanctions de l'Église qui s'imposent.


Quand le pape dit qu'il veut des mesures concrètes et efficaces, ça crée beaucoup d'espoir ?

Ça crée de l'espoir. Maintenant, l'espoir attend des actes, des actes concrets. Déjà avec les outils qu'ils ont. Mais ce qu'on attend surtout, c'est que l'Église à travers le pape vive vraiment les mots de celui qui est quand même le porteur de la religion, c'était-à-dire la parole du Christ. Ce que dit le Christ, c'est d'abord d'accueillir les plus petits, les plus faibles, les victimes. Ce qu'on attend c'est d'abord de la compassion, qui se traduit en actes. Elle a eu de la compassion pendant des décennies pour ses prêtres parce qu'il y a souvent une relation filiale entre les évêques, archevêques avec leurs prêtres. Très bien, 95% d'entre eux ne sont coupables de rien. Mais pour les entre 3 et 5% qui ont fauté, là l'Église doit être implacable. L'Église c'est d'abord aussi le temple de la morale.

Faut-il changer la formation des prêtres ?

Entre autres, mais pas seulement. Il y a la formation, il y a l'accompagnement ensuite. Il faut voir que la vie d'un prêtre aujourd'hui n'est pas simple. Garder une vie sociale quand on est un prêtre, c'est quasiment impossible. Ils croulent sous une charge de travail immense, et ils sont souvent seuls, notamment dans nos départements ruraux. Dans l'Aveyron, il n'y a plus que 40 prêtres. Quand ils sont seuls, c'est là finalement qu'il y a un basculement, une solitude, de la dépression, des déviances. Je ne dis pas ça de tous les prêtres, mais je dis que l'Eglise doit faire attention à ses prêtres.

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