Qui est Hassan Iquioussen, l'imam en fuite visé par un mandat d'arrêt européen ?
Les autorités françaises veulent l'expulser mais le prédicateur marocain reste introuvable depuis mardi.
Où se trouve Hassan Iquioussen ? Recherché depuis la validation, mardi 30 août, de son expulsion du territoire français par le Conseil d'Etat, le prédicateur musulman, régulièrement présenté comme un imam, est susceptible de s'être réfugié en Belgique, selon le scénario privilégié par le préfet des Hauts-de-France, Georges-François Leclerc, mercredi 31 août. Il est désormais visé par un mandat d'arrêt européen.
Hassan Iquioussen est accusé de propos antisémites et misogynes par le ministre de l'Intérieur. Le tribunal administratif de Paris avait dans un premier temps suspendu en urgence l'expulsion de cet homme de 58 ans, réputé proche des Frères musulmans (une mouvance islamiste fondée en 1928 en Egypte) et fiché S par la DGSI "depuis dix-huit mois", selon Gérald Darmanin.
Né le 2 juin 1964 à Denain (Nord), le prédicateur est père de cinq enfants, tous français, et grand-père de quinze petits-enfants. A sa majorité, il a décidé de ne pas opter pour la nationalité française et de garder sa seule nationalité marocaine, même "s'il ne connaît son pays dit d'origine qu'à travers de courtes vacances", a expliqué son avocate, Lucie Simon, dans un communiqué, fin juillet.
Le quinquagénaire affirme avoir tenté de récupérer à deux reprises sa nationalité française, sans succès, alors qu'il bénéficiait depuis sa majorité d'un titre de séjour renouvelable tous les dix ans. Selon lui, sa deuxième demande lui a été refusée en 1999 en raison de ses "liens très forts" avec l'Union des organisations islamiques en France (UOIF), devenue depuis Musulmans de France (MF).
Des millions de vues sur YouTube
L'arrêté d'expulsion, daté du 29 juillet et que franceinfo a pu consulter, lui reproche "un discours prosélyte émaillé de propos incitant à la haine et à la discrimination et porteur d'une vision de l'islam contraire aux valeurs de la République".
Dans un enregistrement daté du même jour, Hassan Iquioussen affirme, lui, être "français dans le cœur et dans l'âme, dans la pensée et dans [sa] culture". La vidéo face caméra a été vue 228 000 fois sur sa chaîne YouTube. C'est d'ailleurs grâce à la célèbre plateforme en ligne qu'il a bâti sa réputation : pas moins de 178 000 abonnés (pour 33 millions de vues) suivent ses cours et sermons sur l'islam dans la vie quotidienne. Des conférences qui occupent les journées du prédicateur, dont les revenus sont issus "de ses investissements immobiliers", explique le ministère de l'Intérieur au Parisien.
A la mairie de Denain, une ancienne ville minière à quinze kilomètres de Valenciennes (Nord), l'évocation de ces vidéos laisse un goût amer. Le 30 juillet 2016, "on a ouvert sa chaîne YouTube et on a découvert ses vidéos sur les homosexuels, les juifs, le génocide arménien, les femmes et la relativisation des attentats", se souvient Yohan Senez, ex-directeur de cabinet de la maire socialiste, Anne-Lise Dufour. Des séquences que franceinfo a pu visionner.
Plusieurs griefs rejetés par le Conseil d'Etat
Dans une vidéo intitulée "Bien choisir son épouse" et publiée le 12 novembre 2013, Hassan Iquioussen y développe sa vision des rapports entre les femmes et les hommes, arguant que "les hommes sont devenus des femmes et les femmes des hommes" en évoquant "des filles qui sont plus dans le foot que les garçons".
"Notre société occidentale a tout fait pour que la femme ne joue pas son rôle premier, fondamental et essentiel, qui est d'être une épouse, une mère."
Hassan Iquioussendans une vidéo datée de novembre 2013
Dans un autre enregistrement daté du 5 octobre 2012, Hassan Iquioussen nie le génocide arménien, reconnu par la France depuis une loi de 2001. "Si la loi [pénalisant la négation du génocide arménien] était passée, je n'aurais pas pu dire que le génocide arménien n'existe pas, parce que la loi me condamne. Alors que là, je peux m'éclater. (...) Il n'y a pas eu de génocide et j'ai les preuves historiques."
Le Conseil d'Etat, qui a justifié la mesure d'expulsion par ses "propos antisémites" et "son discours sur l'infériorité de la femme et sa soumission à l'homme", a en revanche rejeté "plusieurs motifs retenus par le ministre [de l'Intérieur]", pour expulser Hassan Iquioussen, "notamment la remise en cause de la réalité des attentats terroristes et son rejet des lois de la République au profit de la loi islamique".
Un "double discours"
"Il avance d'un pied et recule de deux. Il a un discours différent selon les interlocuteurs", constate Bernard Godard, ancien fonctionnaire au ministère de l'Intérieur et auteur de La Question musulmane en France (Fayard, 2015). Yohan Senez, dénonce, lui, le "double discours" de l'homme recherché, citant un épisode datant de l'année 2016. Hassan Iquioussen était invité par la maire de Denain, en compagnie d'élus et de représentants des cultes, à rendre hommage au prêtre Jacques Hamel, assassiné quatre jours plus tôt lors de l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime). "Il a fait un discours côté face, affirmant que l'islam était une religion de paix et de tolérance. Et l'après-midi, après une photo publiée sur les réseaux sociaux, sa présence a fait polémique par rapport à ses vidéos", se remémore l'ex-directeur de cabinet.
"Ce n'est pas un imam, car il n'a jamais mené la prière. De temps en temps, il prêche dans les mosquées, mais ce n'est pas un théologien. C'est un conférencier, un agitateur d'idées", ajoute Bernard Godard, qui fait le parallèle avec Tariq Ramadan, l'islamologue suisse et petit-fils du fondateur des Frères musulmans, par ailleurs accusé de viols par quatre femmes.
Le Nordiste avait fait parler de lui dès 2004 pour des propos antisémites lors d'un discours sur la Palestine. ll y développait la thèse d'un complot entre les sionistes et Hitler pour favoriser l'installation des juifs en Palestine, qualifiés d'"avares" et d'"ingrats". Le ministre de l'Intérieur de l'époque, Dominique de Villepin, avait dénoncé un discours "inacceptable". Hassan Iquioussen avait reconnu des mots "déplacés" et s'était excusé. "L'antisémitisme est une horreur", avait-il admis.
Il dénonce un "acharnement administratif"
Mais place Beauvau, l'épisode n'a pas été oublié : l'arrêté d'expulsion du 29 juillet dernier mentionne notamment cette prise de parole de 2004. "Il a en outre réitéré ses propos lors de deux conférences en septembre 2014, à l'occasion desquelles il a mentionné un 'complot juif'", est-il écrit dans la décision exécutoire.
Si l'un des fils d'Hassan Iquioussen a intégré le conseil municipal de Lourches, sous l'étiquette socialiste, selon Le Parisien, le prédicateur ne s'est jamais engagé formellement en politique. Il "appelle les gens à voter", explique son avocate dans les colonnes du Figaro. Me Lucie Simon a complété ses propos devant le Conseil d'Etat, où elle a dépeint l'engagement de son client.
"Hassan Iquioussen est un homme politique, il défend un islam politique, dans la recherche d'une combinaison entre l'identité française et musulmane."
Me Lucie Simon, avocate d'Hassan Iquioussendevant le Conseil d'Etat
Elle concède toutefois que le prédicateur, qui n'a jamais été condamné pour ses positions, est un homme "conservateur", qui tient un discours "rétrograde", selon des propos rapportés par le site Actu juridique. Le quinquagénaire se dit, de son côté, victime d'une "injustice" et d'un "acharnement administratif", dans sa vidéo publiée le 29 juillet. Il affirme ne pas "être antisémite" et se définit comme "progressiste" sur la question des femmes et des homosexuels. "La question est de savoir si la menace qu'il représente est si grave qu'il faille l'expulser", estime son avocate. Pour les autorités françaises, la question est désormais tranchée.
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