Île-de-France : des sages-femmes s'alarment du manque de places d'hébergement d'urgence pour les jeunes mères sans domicile fixe
Les sages-femmes de plusieurs maternités franciliennes alertent sur une situation qui se dégrade : en raison du manque de places d'hébergement d'urgence et pour éviter qu'elles ne se retrouvent dans la rue, les mamans sans domicile fixe sont gardées à l'hôpital après leur accouchement, certaines pendant des mois, alors que la durée moyenne d'un séjour est de trois à cinq jours après l'accouchement.
Selon l'Agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France, 44 femmes étaient dans cette situation la semaine du 13 novembre dans plus de la moitié des 45 maternités de la région, surtout dans le nord-est de Paris, en Seine-Saint-Denis et dans le Val d'Oise. Des services souvent déjà saturés et en manque chronique d'effectifs. Une situation intenable et inédite pour les sages-femmes de l'hôpital Delafontaine à Saint-Denis, qui ont adressé début novembre une lettre aux pouvoirs publics. La patiente la plus ancienne a accouché il y a trois mois.
Des patientes obligées d'accoucher aux urgences, "sans péridurale"
À l'hôpital Delafontaine, le 115 ne répond plus, s'alarme Camille, sage-femme à la maternité depuis 7 ans. "Il y a toujours la petite musique du 115 dans les chambres, mais au bout d'une heure il raccroche sans répondre." En ce moment elles sont dix mamans qui attendent avec leur bébé en suites de cette couche. Sans cette solution bancale, elles dormiraient sur le trottoir. "Dans un service où normalement on était à 40 lits, au vu du sous-effectif, on se retrouve à 30 lits. Avoir dix patientes qui sont au 115, c'est très compliqué pour pouvoir accueillir de nouvelles patientes qui sont suivies à la maternité et qui se retrouvent à devoir être transférées dans d'autres hôpitaux, parce qu'on manque de moyens et de places. C'est une perte de chances pour tout le monde."
Ces femmes essentiellement migrantes, isolées et aux parcours de vie chaotiques, "se retrouvent un peu démunies, regrette Camille, sage-femme. On a plus tendance à ne pas forcément aller les voir, donc ce sont elles qui en pâtissent derrière."
"J'essaie de faire au maximum, mais je sais que je peux avoir des tendances à être maltraitante malgré moi."
Camille, sage-femmeà franceinfo
À l'égard aussi des patientes qui viennent accoucher en urgence et qui, faute de lit adapté, doivent se passer d'anesthésie, se désole Edith Rain, sage-femme depuis 28 ans. "Des patientes arrivent, elles seront suivies aux urgences, elles accoucheront aux urgences, ce qui veut dire sans péridurale. Et c'est extrêmement malheureux."
"Le problème de fond, c'est qu'il y a une crise de l'hébergement d'urgence"
Edith Rain est à l'initiative d'un courrier envoyé aux pouvoirs publics début novembre. Un "courrier de désespoir" resté lettre morte, si ce n'est la réponse de deux députés, dont le communiste Stéphane Peu. "Le problème de fond, c'est qu'il y a une crise de l'hébergement d'urgence. Entre le deuxième semestre 2022 et le premier semestre 2023, il y a 3 000 places d'hébergement d'urgence qui étaient des nuitées d'hôtel, qui ont fermé, dont 2 000 en Seine-Saint-Denis. Une difficulté supplémentaire, c'est que les sorties d'hébergement d'urgence sont très compliquées en raison des problèmes de logement dans notre pays."
Les 2 000 places d'hébergement d'urgence réservées aux mères enceintes ou ayant accouché sont souvent saturées, admet la préfecture d'Île-de-France. Elle dit chercher des places supplémentaires.
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