Accidents de la route en 2018: l’Afrique bat tous les records
En matière de sécurité routière, l’Afrique reste un très mauvais élève. Le continent a la plus forte proportion de mortalité des piétons et des cyclistes dans le monde avec 44% des décès. Les explications du Dr Etienne Krug, de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), à Franceinfo Afrique.
A peine 1% de véhicules immatriculés dans le monde circulent dans les pays à faible revenu, et notamment en Afrique. Pourtant, c’est dans ces pays que les accidents de la route font des ravages. Les chiffres annoncés dans le rapport mondial de l’OMS font froid dans le dos. Cette année encore, c’est le continent africain qui paie le plus lourd tribut.
"Plus de personnes meurent maintenant à la suite d'accidents de la route que du VIH/sida, de la tuberculose ou de maladies diarrhéiques"
Rapport sécurité routière 2018OMS
Selon le nouveau rapport de l’OMS, publié le 7 décembre, les décès sur les routes sont en augmentation dans le monde entier, avec 1 million 350.000 morts. Les taux les plus élevés, on les trouve en Afrique avec 26 décès par 100 000 habitants. Ce qui est trois fois plus élevé qu'en Europe. Les piétons et les cyclistes représentent 44% des décès.
"Ce qu’on constate, c’est que l’infrastructure routière est en train de se développer rapidement en Afrique, mais malheureusement, on oublie les besoins des piétons. On fait un développement pour les voitures. On oublie que les enfants avaient l’habitude de marcher le long des routes, et même de jouer sur la route. Les voitures peuvent aller plus vite sur les nouvelles routes, mais on oublie de faire des passages pour piétons, de faire des trottoirs, de faire des pistes cyclables qui permettraient aux piétons de circuler en toute sécurité", constate le Dr Etienne Krug, en charge du département chargé notamment de la prévention de la violence et des traumatismes de l'OMS.
Le Dr Etienne Krug a expliqué à Franceinfo Afrique que l‘insécurité routière est devenue la cause de décès numéro 1 dans le monde pour les enfants de 5 à 14 ans et pour les jeunes adultes de 15 à 29 ans.
"Des cercueils roulants" et un réseau routier impraticable
Dans certains pays africains, comme le Cameroun, les images des cadavres déchiquetés à la télévision ne choquent plus personne. "Cela est devenu un spectacle, même les enfants les regardent sans problème. Les gens se ruent sur les réseaux sociaux pour être les premiers à les annoncer. On a banalisé les accidents, parce qu’on a banalisé la vie humaine", témoigne le blogueur camerounais Ecclésiaste Deudjui.
Interrogé par Franceinfo Afrique en février 2018, il avait décrit un réseau routier dans un état désastreux qui accueille des "cercueils roulants". Pour lui, les drames de la route dans son pays sont le résultat d’un laxisme généralisé : réseau routier impraticable, état désastreux du parc automobile… et des chauffeurs aux permis de conduire frauduleux. Autant de facteurs de risque que pointe aussi le rapport que vient de publier l’OMS.
"Il est clair que des pays qui ont fait des progrès comme la Suède, la France ou la Suisse, ont pris des décisions au plus haut niveau de l’Etat, pour s’attaquer aux problèmes par la mise en place de coordination multisectorielle, avec des lois appropriées. Il faut qu’il y ait une décision politique. C’est l’appel que l’OMS fait à tous les pays du monde. Il faut que les décideurs, au plus haut niveau de l’Etat, prennent en charge la sécurité routière", explique le Dr Etienne Krug
Des lois à la hauteur des enjeux et leur mise en oeuvre
L’OMS appelle les Etats à adopter des lois adéquates sur les principaux facteurs de risque, pour prévenir les décès sur les routes. Des lois liées notamment au comportement des utilisateurs routiers, à la vitesse, à la conduite en état d’ivresse, au non-port du casque de moto et de la ceinture de sécurité.
Adopter des lois, mais surtout les mettre en oeuvre, avec des contrôles policiers sur la vitesse et l’alcool au volant. Tout en empêchant de construire des routes qui ne soient pas sûres. C’est-à-dire des routes sans trottoirs, sans pistes cyclables, où les enfants se font écraser sur le chemin de l’école.
Pour le docteur Etienne Krug, le manque de moyens n’est pas une excuse, même si la sécurité routière coûte très cher. "Il faut continuer à travailler pour éradiquer la corruption de la police et continuer parallèlement à améliorer sa formation" pour qu’elle fasse bien son travail, plaide-t-il.
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