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Dénonciation des infractions routières par les entreprises : "On va transformer les patrons en auxiliaires de police"

Si la mesure présentée mercredi 12 octobre aux députés est adoptée, les employeurs devront désigner les salariés auteurs d'infractions routières, à partir de 2017. "Une hérésie", prévient le sociologue Ronan Chastellier sur franceinfo.

Article rédigé par franceinfo
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Contrôle de gendarmerie en 2016 (REMY PERRIN / MAXPPP)

À partir du 1er janvier 2017, si le projet de loi est adopté, les entreprises devront dénoncer leurs salariés qui commettent des infractions routières avec un véhicule d'entreprise. Ronan Chastellier, sociologue, maître de conférences à Sciences Po Paris, a estimé mercredi 12 octobre sur franceinfo que "cette méthode est une hérésie".

franceinfo : Que pensez-vous de ce projet de loi qui appellent les entreprises à dénoncer leurs salariés ?

Ronan Chastellier : Quand on réfléchit, dans les PME, on n'a pas du tout le même retour que dans les grandes entreprises. On a l'impression qu'il y a toujours d'avantage de contrôles. Il y avait déjà cette idée de transformer le chef d'entreprise en percepteur, avec l'impôt prélevé à la source. Désormais, avec ces PV dénoncés, on va transformer les chefs d'entreprises en sorte d'auxiliaires de police. Cette approche qui consiste à faire des chefs d'entreprises des fonctionnaires indirects traduit une méconnaissance totale du monde de l'entreprenariat.

Estimez-vous que nous sommes dans une société de dénonciation ?

On nous surveille tout le temps, en permanence. Il faut pouvoir tout justifier, tout notifier. C'est véritablement usant. Le tissu industriel français est constitué de PME, de gens qui tous les jours ont le sentiment d'être "fliqués". La délation d'un salarié dans l'entreprise peut être très mal vécue. D'ailleurs, si vous êtes le chef d'entreprise et que vous dénoncez, comment voulez-vous être respecté ? Il y a une véritable perte d'estime. Et celui qui est dénoncé va se sentir ostracisé.

Est-ce un risque pour le climat social de l'entreprise ?

Il faut savoir qu'une entreprise, c'est de l'humain avant tout. On est sur la parole donnée, avec ce geste conventionnel de la poignée de main. La confiance est un ressort fondamental. Dénoncer ces salariés, c'est donc une hérésie. Il y a d'autres moyens de responsabiliser des gens.

Ronan Chastellier : "Cette approche qui consiste à faire des chefs d'entreprises des fonctionnaires indirects traduit une méconnaissance totale du monde de l'entreprenariat"

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