Services publics : il faut "le maintien du guichet et l'information par téléphone", prône le médiateur auprès de la Défenseure des droits
"Le multicanal est le fondement d'une relation de service public de qualité" avec les usagers, a estimé jeudi 26 janvier sur franceinfo Daniel Agacinski, délégué général à la médiation auprès de la Défenseure des droits. Selon une enquête menée par 60 millions de consommateurs et la Défenseure des droits, les Français continuent à rencontrer des difficultés pour joindre notamment l'Assurance maladie ou la CAF par téléphone.
>>> La dématérialisation des papiers administratifs en 2022 creuse les inégalités face au numérique
Si les formalités sont bien souvent numérisées, près d'un tiers des Français ne s'estiment pas aptes à les réaliser en ligne. "Il faut des alternatives avec le maintien du guichet et avec l'information par téléphone", préconise Daniel Agacinski. Le délégué général à la médiation note par ailleurs une amélioration depuis 2016 de l'accueil par téléphone des " usagers qui appelaient avec un fort accent étranger ou des difficultés à s'exprimer en français".
franceinfo : Les Français se sentent-ils en manque de contacts humains avec l'administration ?
Daniel Agacinski : Ce sont des usagers de service public qui n'arrivent plus à accomplir des démarches, à accéder à leurs droits par le circuit normal d'échange avec le service public, que ce soit en ligne, au guichet ou au téléphone. Donc ça produit cette désespérance, cette exaspération. On a critiqué beaucoup la dématérialisation exclusive, le fait qu'on obligeait les gens à aller sur Internet pour faire les démarches. Il faut des alternatives avec le maintien du guichet et avec l'information par téléphone.
Ce que montre l'enquête, c'est effectivement quand il y a des réponses, trop souvent encore, les téléconseillers renvoient l'usager vers Internet, ce qui fait que ce n'est pas une alternative.
Daniel Agacinskyà franceinfo
Il ne les renvoie pas simplement pour effectuer des démarches avec des pièces jointes à télécharger. Il faut donner l'information à l'usager sur les pièces qu'il doit produire pour toucher l'allocation de retour à l'emploi, pour renouveler sa carte vitale, pour toucher les allocations logement, pour faire les démarches. Dans un grand nombre de cas, on observe que l'information n'est pas complète ou pas correcte. Aujourd'hui l'alternative téléphonique n'est pas au niveau de ce qui est attendu et de ce qui est nécessaire.
Vous aviez déjà mené une étude de ce type en 2006. Avez-vous remarqué des progrès ?
Il y a des aspects sur lesquels les améliorations sont réelles. Il y a effectivement le fait que les numéros - c'est la loi désormais - ne sont plus surtaxés. C'est maximum au coût d'un appel local. C'est évidemment mieux pour les usagers, notamment pour les plus précaires. Et puis, il y a aussi un élément qui est important à noter, c'est qu'il y a six ans, on avait remarqué que les usagers qui appelaient avec un fort accent étranger ou des difficultés à s'exprimer en français étaient nettement moins bien traités que les usagers qui parlaient français de façon fluide. Aujourd'hui, on n'a plus remarqué de façon nette cette différence. Sans doute un travail a été fait sur l'accueil et la qualité de réponse à l'ensemble des usagers. C'était évidemment un point positif.
Que recommandez-vous exactement ?
Ce qu'on recommande, c'est que le service public s'adapte aux situations et aux besoins des usagers. C'est très bien d'avoir un accès numérique pour ceux qui sont à l'aise avec cette modalité de communication. Mais il faut pour tous ceux qui ne le sont pas et pour tous, si un jour ou un autre on est en difficulté avec le numérique, qu'on puisse accomplir l'ensemble des démarches aussi par les voies non numériques, c'est-à-dire en envoyant des courriers, en se rendant au guichet, en étant accueilli par quelqu'un qui ne va pas simplement nous aider à cliquer sur l'interface, mais qui va avoir la compétence de fond, avoir accès aux outils métier de la retraite, de la branche famille, de l'emploi, de la Sécurité sociale et va construire une véritable relation de service public avec l'usager en le prenant là où il est. S'il sait se servir du téléphone, s'il a besoin d'un contact humain pour montrer des papiers et obtenir des explications, il faut qu'il puisse l'obtenir. C'est ce multicanal, cet omnicanal, qui est le fondement d'une relation de service public de qualité.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.